6) Qui a la charge d'énoncer et de prouver la violation de l'obligation d'informer du médecin ? Existe-t-il une différence selon que l'on fait valoir des prétentions contractuelles ou des prétentions délictuelles ?

On a déjà dit que, selon la jurisprudence, le consentement peut être exprimé en toute forme, même de façon implicite, par le fait même de se soumettre à l'opération ou au traitement (51) : cela veut dire donc que, selon l'avis des juges, l'effectuation de l'opération ou du traitement peut faire présumer le consentement du patient. Ceci ne signifie pourtant pas encore qu'on puisse présumer aussi le caractère éclairé de ce consentement. Conformément aux règles générales en matière de charge de la preuve (art. 2697 c.c. it. : onus probandi incumbit ei qui dicit), celle-ci doit reposer sur le patient. Cependant, la circonstance de ne pas avoir donné les renseignements nécessaires étant un fait négatif, on ne peut pas prétendre que le client rapporte la preuve que le médecin ne l'a pas informé sur les tenants et les aboutissants de l'intervention ou du traitement. C'est donc au praticien que revient la tâche de fournir cette preuve. Bien entendu le juge pourra se servir de tout moyen de preuve et notamment des présomptions.

La différence la plus évidente entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle réside dans la charge de la preuve de la faute : dans le premier cas (cf. art. 2043 c.c. it.) c'est au sujet qui a subi un préjudice de prouver que celui-ci est l'effet d'une faute (ou bien du dol) de la personne contre qui la plainte est dirigée ; dans la deuxième hypothèse c'est au débiteur de se libérer en prouvant que l'inexécution ou le retard provient d'une situation d'impossibilité d'exécution de l'obligation qui soit due à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. Ici il s'agit pourtant de prouver l'accomplissement ou le non-accomplissement d'un devoir qu'incombe sur le médecin et pour les mêmes raisons qu'on vient juste d'expliquer (impossibilité pour le patient de prouver un fait négatif) il faut en conclure que c'est toujours sur le médecin que repose la charge de la preuve.
 
 

7) Votre système juridique prévoit-il des facilités de preuve pour le patient en cas de procès ?

Si c'est vrai que c'est toujours sur le médecin que repose la charge de la preuve (52), on peut dire que dans cette règle - c'est-à-dire : l'impossibilité de preuve des faits négatifs - se cache un principe qui favorise le patient lors de son procès contre le médecin. A cette règle il faudra ajouter le système de responsabilité plus stricte en ce qui concerne les activités touchant à la chirurgie esthétique ou à la dentisterie, ou encore aux interventions "de routine", dont on a fait mention (53).
 
 

8) Quelles sont les conséquences juridiques que votre système juridique lie à la violation (contractuelle ou délictuelle) de l'obligation d'informer du médecin ?

Si le consentement a été valablement exprimé par le patient, celui-ci a assumé les risques entraînés par le traitement. Il en suit que le médecin est exempté de toute responsabilité pour tout résultat négatif, sauf qu'il y ait faute professionnelle. Le médecin viole par contre la règle du consentement éclairé lorsqu'il agit sans demander le consentement du patient. Il en de même lorsqu'il agit sans informer de façon complète le patient, ou bien lorsqu'il agit après avoir correctement informé le client, mais contre la volonté de celui-ci. Dans tels cas le praticien est responsable des dommages-intérêts conséquents au traitement, même en l'absence d'une faute professionnelle, donc même s'il a rempli son obligation lege artis. Il s'agit donc d'un cas de responsabilité pour non-exécution d'une obligation (54).

Il ne faut cependant pas oublier que, afin qu'il y aie une responsabilité, il faut aussi qu'un préjudice ait été causé par le non-accomplissement d'un devoir juridique. Si donc l'opération ou le traitement ont eu succès, aucun préjudice ne se sera produit et par conséquent la demande en dommages-intérêts du client devra être rejetée. Par contre, si l'opération ou le traitement n'ont pas réussi, le médecin sera responsable, même en cas d'absence de faute de sa part dans l'exécution de l'opération ou du traitement (55), du moment qu'il a violé le droit à l' "auto-détermination" du patient (56).
 
 
 
 

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Notes

(51) Cf. supra, n. 5.

(52) Cf. supra, n. 6.

(53) Cf. supra, n. 1 ; en ce qui concerne les moyens de preuve cf. aussi supra, n. 5.

(54) Cf. Cass., 29 mars 1976, n. 1132, préc. ; Cass., 26 mars 1981, n. 1773, préc. ; Cass., 8 août 1985, n. 4394, préc.

(55) Cf. par exemple Cass., 26 mars 1981, n. 1773, préc. ; App. Milano, 2 mai 1995, préc.

(56) App. Milano, 2 mai 1995, préc.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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