Giacomo Oberto

Magistrat de Cour d’Appel
Juge auprès du Tribunal de Torino (Italie)
Secrétaire Général Adjoint de l’Union Internationale des Magistrats
 

L’AUTONOMIE DE LA JUSTICE DANS SA GESTION :
L’EXPERIENCE ITALIENNE



 
 

" Libre sans être inutile à sa Patrie, il se consacre au Public sans en être esclave ; et condamnant l’indifférence d’un Philosophe, qui cherche l’indépendance dans l’oisiveté, il plaint le malheur de ceux qui n’entrent dans les fonctions publiques, que par la perte de leur liberté ".

Henri-François D’Aguesseau, L’indépendance de l’avocat, Œuvres de M. le Chancelier D’Aguesseau, I, Paris, 1759, p. 3.

Sommaire :
– 1. L’autonomie de la justice dans sa gestion et l’indépendance du pouvoir judiciaire : les fondements.
– 2. L’autonomie de la justice dans sa gestion et l’indépendance du pouvoir judiciaire : leurs différentes formes.
– 3. L’autonomie de la justice et l’indépendance du ministère public.
– 4. L’internationalisation des principes concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire : les principes généraux.
– 5. L’internationalisation des principes concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire : le rôle de l’Union Internationale des Magistrats.
– 6. L’autonomie de la justice et l’indépendance de la magistrature italienne d’après la Constitution et la législation ordinaire.
– 7. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (C.S.M.) : composition et élection.
– 8. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (C.S.M.) : fonctionnement et commissions.
– 9. Le rôle du C.S.M dans le recrutement des magistrats : généralités.
– 10. Le rôle du C.S.M. dans le recrutement des magistrats : la réforme du système des concours et la présélection informatisée.
– 11. Le rôle du C.S.M. dans le recrutement des magistrats : l’échec du système de présélection informatisée et les dernières propositions de réforme.
– 12. Le rôle du C.S.M dans la formation initiale des magistrats.
– 13. Le rôle du C.S.M dans la formation continue des magistrats.
– 14. Le rôle du C.S.M. dans le déroulement de la carrière des magistrats.
– 15. Le rôle du C.S.M. dans la nomination des chefs de juridiction.
– 16. Les conseils judiciaires.
– 17. La fonction disciplinaire du C.S.M.
– 18. Les compétences du Ministre de la Justice.
– 19. La structure du Ministère de la Justice : les bureaux " de directe collaboration " et les bureaux " de gestion administrative ".
– 20. La structure du Ministère de la Justice : les bureaux " de gestion administrative " (Départements et Directions Générales).
 

1. L’autonomie de la justice dans sa gestion et l’indépendance du pouvoir judiciaire : les fondements.

L'autonomie de la justice dans sa gestion constitue assurément un aspect fondamental de l’indépendance du pouvoir judiciaire, principe essentiel sur lequel se fonde ce qu’aujourd’hui on appelle l’ " Etat de droit ", conformément au postulat de la séparation des pouvoirs, élaboré par Montesquieu au XVIIIe siècle. Comme l’observait ce grand philosophe dans son œuvre " De l’esprit des lois " (Livre XI, § 6), " il n’y a point (…) de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice ". " Tout serait perdu – ajoutait-il – si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou de peuple exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ".

Donc, l’indépendance est donnée au juge par la loi uniquement dans l’intérêt de la protection des droits des individus qui espèrent pouvoir obtenir de lui justice. Elle n’est pas un privilège du juge : la dépendance du pouvoir politique ou des supérieurs hiérarchiques c’est la paix, la garantie d’une vie tranquille pour les juges qui s’adaptent à ce rôle. L’indépendance c’est la responsabilité, la confrontation de points de vue divers, l’acceptation du fait d’être mis en discussion dans l’opinion publique, le défi d’être capable de convaincre non par la force du principe d’autorité, mais par les arguments de la raison, accompagnés de la solidité et des qualités professionnelles.

Malheureusement, dans la pratique cette indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif donne lieu à une série très complexe de questions assez concrètes : à partir du recrutement des magistrats, de leur formation, de leur évaluation, de leur carrière, des transferts, des mesures disciplinaires, etc. J’essayerai plus bas d’esquisser à ce sujet quelques solutions, surtout du point de vue de l’expérience italienne dans la gestion de l’autonomie du pouvoir judiciaire.
 

2. L’autonomie de la justice dans sa gestion et l’indépendance du pouvoir judiciaire : leurs différentes formes.

Tout d’abord je voudrais observer qu’un problème d’autonomie et d’indépendance ne se pose pas seulement pour le pouvoir judiciaire globalement considéré, mais aussi pour chaque magistrat. On peut donc parler soit d’autonomie et d’indépendance de la magistrature, soit d’autonomie et d’indépendance des magistrats. En effet, les systèmes des différents pays devraient se soucier d’assurer non seulement l’indépendance de la magistrature des autres pouvoirs de l’Etat, mais aussi l’indépendance du magistrat vis-à-vis d’autres sujets de la vie économique et sociale et même à l’intérieur du pouvoir judiciaire (on parle à ce propos d’indépendance " interne ").

En premier lieu pensons à l’indépendance du juge vis-à-vis des parties du procès : tous les codes de procédure du monde stipulent un devoir d’abstention ou bien la possibilité de récusation, lorsque le juge ne se trouve pas en état de trancher son affaire de façon impartiale.

Pensons, en deuxième lieu, à la nécessité de sauvegarder l’indépendance du magistrat à l’intérieur même du corps de la magistrature, afin d’en assurer l’impartialité la plus absolue : il est évident que l’application à la magistrature des règles de la hiérarchie qui gouvernent, par exemple, l’organisation du pouvoir exécutif ou de certaines branches de celui-ci (armée, préfectures, police, etc.) compromettrait l’objectivité de son jugement. On verra plus tard qu’une possible solution de ce problème consiste à confier les pouvoirs qui normalement reviendraient au chef à un autre organisme, tel que, par exemple, un Conseil Supérieur de la Magistrature, qui réaliserait ainsi deux tâches à la fois : la sauvegarde de l’indépendance " externe " de la magistrature (notamment vis-à-vis des autres pouvoirs de l’Etat) et la protection de l’indépendance " interne " des magistrats (notamment par rapport à leurs " supérieurs ").

On pourra encore citer le problème éternel de l’indépendance des magistrats vis-à-vis des pouvoirs de l’économie et de la finance. Déjà La Fontaine (Les animaux malades de la peste) se plaignait du fait que " Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ". Ici il suffira de mentionner le fait que tous ou presque tous les statuts des pouvoirs judiciaires du monde interdisent aux magistrats d’exercer des activités telles qu’entrepreneur, commerçant, membre d’un conseil d’administration d’une société, etc. Mais c’est justement pour cette raison qu’il faut aussi garantir aux magistrats une rémunération adéquate aussi bien qu’un statut personnel tout à fait particulier (j’oserai même employer le mot : privilégié), qui puisse les mettre à l’abri de toute influence externe.

Pour indiquer une autre forme d’indépendance des magistrats on pourra maintenant parler de l’indépendance vis-à-vis des partis politiques. A titre d’exemple, l’art. 98 de la Constitution italienne prévoit la possibilité que la loi ordinaire fixe des limites à l’inscription aux partis politiques pour les magistrats. Cette loi, en effet, n’a jamais été approuvée. Pourtant, le " code de déontologie des magistrats ", approuvé par l’Association Nationale des Magistrats italiens, prescrit aux magistrats faisant partie de cette association (à peu près le 90% des magistrats italiens) d’" éviter toute relation avec des centrales de pouvoirs, de partis ou d’entreprises, susceptibles d’influer sur l’exercice de [leurs] fonctions ou d’altérer [leur] image ". En tout cas, il est évident que des simples limites à l’inscription aux partis politiques, et même une interdiction totale à cet égard, ne suffiraient pas. Ce qu’il faut éviter c’est que le magistrat s’engage concrètement dans l’activité politique.

En conclusion de ce premier aperçu de caractère introductif je voudrais encore citer deux formes d’indépendance, tout à fait nouvelles.

D’abord, l’indépendance des magistrats des média. La tendance à la médiatisation de l’activité de la magistrature, surtout dans le secteur pénal a récemment pris des proportions préoccupantes dans tous les pays de l’Ouest : on pourra citer à titre d’exemple les suites des mises en examens d’importants hommes politiques en Italie, mais aussi en France et en Espagne, ou l’énorme bruit suscité par la publicité de certains débats (par exemple ceux concernant les procès à l’acteur O. J. Simpson ou au boxeur M. Tyson aux Etats Unis). Le risque est désormais que le magistrat se laisse conditionner dans son activité par le journaliste, surtout quand il s’agit de magistrats qui visent à une carrière politique ou même a une élection au Conseil Supérieur de la Magistrature.

La dernière forme d’indépendance que je voudrais mentionner est l’indépendance de l’ignorance. " D’un magistrat ignorant – disait La Fontaine (L’âne portant des reliques) – c’est la robe qu’on salue ". Si l’on veut donc que cette robe abrite un magistrat respecté par les justiciables et tout à fait libre dans son jugement, il faut que ce magistrat ait une bonne connaissance des matières qu’il devra traiter. Un magistrat bien formé est un magistrat plus indépendant. D’autre part, il ne faudra pas oublier que la formation constitue désormais l’objet d’un véritable droit du magistrat européen. Je voudrais mentionner ici la Recommandation issue par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe en matière d’indépendance, efficacité et rôle des juges (Recommandation n° R(94) 12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, Principe III, 1, a.), selon laquelle il faut " recruter suffisamment de juges et (...) leur permettre d’acquérir toute la formation nécessaire, par exemple une formation pratique dans les tribunaux et, si possible, auprès d’autres autorités et instances, avant leur nomination et au cours de leur carrière. Cette formation devrait être gratuite pour le juge et porter, en particulier, sur la législation récente et la jurisprudence. Le cas échéant, cette formation devrait inclure des visites d’études auprès des autorités et des tribunaux européens et étrangers ".
 
 

3. L’autonomie de la justice et l’indépendance du ministère public.

Un juge indépendant ne suffit pas à faire une justice indépendante, si le parquet, le ministère public, l’organe qui à le pouvoir, au moins en matière criminelle, de mettre en mouvement la justice, ne l’est pas.

C’est justement pour la raison que les magistrats du ministère public assurent l’égalité des citoyens devant la loi, qu’ils doivent pouvoir exercer leurs fonctions de façon autonome par rapport au pouvoir politique. Ainsi le principe selon lequel les juges ne son soumis qu’à la loi doit s’appliquer aussi aux magistrats du ministère public.

Comme les enquêtes sur la corruption dans plusieurs pays l’ont démontré, étant donné qu’il s’agit souvent d’enquêter sur des délits commis par de centres de pouvoir économique, financier, politique, il est tout à fait nécessaire que le M.P. puisse mener ses enquêtes (et diriger la police judiciaire) en toute indépendance du gouvernement. Peu importe la garantie d’indépendance des juges s’il y a la possibilité que le pouvoir exécutif, en exerçant un contrôle sur le M.P., en empêche dans la pratique les enquêtes.

La règle du jeu démocratique, l’égalité des citoyens face à la loi exigent que d’éventuels abus du pouvoir politique soient dévoilés et sanctionnés. C’est donc pour cette raison que même dans le pays ou existe encore un lien entre pouvoir exécutif et M.P., on cherche de plus en plus de couper ce cordon ombilical. Il est intéressant à ce propos de signaler que l’art. 18.2 du Corpus Juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de l’Union Européenne, dispose que le Ministère Public Européen " est indépendant tant à l’égard des autorités nationales qu’à l’égard des organes communautaires ".
 

4. L’internationalisation des principes concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire : les principes généraux.

Au cours de ces dernières années on a assisté au niveau international à une prise de conscience de l’importance de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Ce mouvement a commencé avec la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée des Nations Unies en 1948, qui, dans son art. 10, prévoit que " dans la détermination de ses droits et obligations et de toute charge criminelle contre lui ", chacun a le droit d’être jugé par " un tribunal indépendant et impartial ". Ce même principe a été repris par la Convention Européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome en 1950 (art. 6).

De nombreux colloques et congrès, organisés par des associations et des organismes internationaux (parmi lesquels, notamment, l’Union International des Magistrats) ont dévoué leurs efforts à étudier les systèmes visant à assurer l’indépendance de la magistrature. Plusieurs déclarations solennelles à ce sujet se trouvent dans les actes de congrès internationaux, conférences, séminaires.

Les résultats les plus intéressants de ce processus d’internationalisation procédant des principes sur la protection de droits de l’homme on peut les résumer comme il suit :

- La Convention européenne sur les droits de l’homme de 1950, qu’on a déjà mentionné ;

- La Convention internationale sur droits civils et politiques de 1966 ;

- Les Principes fondamentaux sur l’indépendance de la magistrature élaborés en 1985 par l’ONU et les Procédures pour leur efficace mise en œuvre (1989) ;

- Le Statut du Juge en Europe, élaboré et approuvé en 1993 par l’Association Européenne des Magistrats - Groupe Régional de l’Union Internationale des Magistrats ;

- La Recommandation n° R (94) 12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges ;

- La Résolution relative au rôle du pouvoir judiciaire dans un Etat de droit, adoptée à Varsovie le 4 avril 1995 par les ministres participant à la Table Ronde des Ministres de la Justice des pays d’Europe Centrale et Orientale ;

- La Charte européenne Sur le statut des juges, approuvée par le Conseil de l’Europe à Strasbourg les 8 - 10 juillet 1998 ;

- Le Statut Universel du Juge, Statut Universel du Juge, approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à Taipeh (Taiwan) le 17 novembre 1999 ;

- Résolution du Parlement européen sur le rapport annuel sur le respect des droits humains dans l’Union européenne (1998 et 1999) (11350/1999 - C5-0265/1999 - 1999/2001(INI)), adoptée le 16 mars 2000 (qui " recommande aux États membres de garantir l’indépendance des juges et des tribunaux par rapport au pouvoir exécutif et de faire en sorte que la nomination du personnel de ces derniers ne soit pas motivée par des raisons politiques ").

Parmi les Principes fondamentaux sur l’indépendance de la magistrature élaborés en 1985 par l’ONU on pourra signaler les suivants :

" 1. L’indépendance du pouvoir judiciaire sera garantie par l’État et encadrée dans la Constitution ou dans les lois du pays. Il est du devoir de toute institution – soit-elle ou non gouvernementale – de respecter et observer l’indépendance de la magistrature.

2. Le pouvoir judiciaire tranchera les affaires de façon impartiale, sur la base des faits et conformément à la loi, sans aucune restriction, influence indue, contrainte, menace ou intervention, soit directe ou indirecte, de toute part qu’elle arrive, ou pour n’importe quelle raison.

3. Le pouvoir judiciaire aura la juridiction sur toute question de nature judiciaire et aura l’autorité exclusive de décider si une question qui lui a été soumise relève de sa compétence, telle qui a été définie par la loi.

4. Il n’y aura aucune interférence indue dans les procédures judiciaires (...).

5. (...)

6. Le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire confère aux juges le droit et le devoir d’assurer que les procès soient conduits équitablement et que les droits des parties soient respectés.

7. Chaque Etat membre est obligé de fournir des ressources adéquates à la magistrature pour lui permettre d’accomplir correctement ses fonctions ".
 

5. L’internationalisation des principes concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire : le rôle de l’Union Internationale des Magistrats.

Dans le cadre de l’internationalisation des principes sur l’indépendance du pouvoir judiciaire il faudra aussi dire qu’un rôle de plus en plus actif est joué par l’Union Internationale des Magistrats.

Je rappellerai seulement à ce propos que l’Union Internationale des Magistrats (UIM), dont j’ai l’honneur d’être un des Secrétaires Généraux Adjoints, est née en 1953, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, pour instaurer une meilleure compréhension entre les systèmes judiciaires des pays membres. Actuellement, elle regroupe les représentants de soixante pays membres. L’UIM est une organisation non gouvernementale qui ne regroupe pas des particuliers, mais des associations nationales de magistrats. Plus exactement, les associations adhérant à l’Union doivent être des associations de magistrats qui se sont formées librement et qui sont représentatives de la magistrature de leurs pays. En plus, les systèmes juridiques des pays adhérents doivent assurer à leur intérieure une vraie indépendance du pouvoir judiciaire.

Le but principal de l’UIM est de renforcer l’indépendance de la magistrature en tant qu’attribut essentiel de la fonction judiciaire, ainsi que la protection du statut constitutionnel et moral du pouvoir judiciaire et la garantie des droits et des libertés fondamentales.

L’UIM est dirigée par son Conseil central, composé par les représentants des associations membres, et aussi par le Comité de la Présidence, qui est l’organisme administratif, dirigé par un Président élu tous les deux ans, ainsi comme les membres du comité de la présidence, composé par le président, six vice-présidents et le dernier président pour une période de deux ans.

L’Union regroupe quatre commissions d’études dont la tâche est d’étudier chaque année un sujet différent dans divers domaines :

- La première a pour mission d’étudier le statut des magistrats, l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’organisation judiciaire, et la protection des libertés individuelles.

- La seconde commission se penche sur l’étude du droit civil et des procédures civiles.

- La troisième commission étudie le droit pénal et la procédure pénale.

- La quatrième commission se penche sur l’étude du droit public et du droit social.

Lors des réunions et des congrès les pays membres essaient d’avoir une meilleure connaissance du pays où ils tiennent leurs conférences, de son système judiciaire, des problèmes que rencontrent les magistrats. Des pétitions et des recommandations sont issues à la conclusion de chaque congrès.

Au sein de l’UIM existent aussi quatre Groupes Régionaux, dont le but est celui de suivre de près les questions spécifiques touchant au pouvoir judiciaire dans les différentes parties du monde :

- L’Association Européenne des Magistrats (AEM) ;

- Le Groupe Régional Ibéro-Américain ;

- Le Groupe Régional Africain ;

- Le Groupe Régional appelé " ANAO " (Amérique du Nord, Asie et Océanie).
 

6. L’autonomie de la justice et l’indépendance de la magistrature italienne d’après la Constitution et la législation ordinaire.

Venant maintenant à traiter du sujet de l’indépendance de la justice dans l’expérience italienne, il faut dire d’abord que, depuis la chute de la dictature fasciste, le système de mon pays s’inspire vraiment du principe de la séparation des pouvoirs, du moment que l’indépendance de la magistrature est fermement enracinée dans les textes, ainsi que dans la pratique judiciaire.

La Constitution républicaine, entrée en vigueur le 1er janvier 1948, énonce clairement que " La Magistrature constitue un ordre autonome et indépendant de tout autre pouvoir " (art. 104). Le mot " ordre " (à la place du terme " pouvoir ") a été jugé par une partie des spécialistes en droit constitutionnel comme ambigu ; quelqu’un est même arrivé à douter que la magistrature soit un pouvoir de l’Etat. Mais il suffit de constater qu’en vertu de l’art. 134 de la Constitution, la Cour constitutionnelle est compétente, notamment, pour résoudre les " conflits d’attribution entre les différents pouvoirs de l’Etat ", y compris ceux qui opposent l’ordre judiciaire au Gouvernement ou au Parlement et que la Cour a consacré la légitimité de toute juridiction à être partie dans un conflit avec un autre pouvoir de l’Etat en raison de ce que toutes les juridictions de la République exercent leurs fonctions en pleine indépendance.

Un autre principe fondamental, évidemment lié à celui de la séparation des pouvoirs, est consacré par l’art. 101, selon lequel " Les juges ne sont sujets qu’à la loi ", tandis qu’aux termes de l’art. 107 (3e alinéa), " Les magistrats ne se distinguent entre eux que par la diversité des fonctions ". Comme garantie principale de leur indépendance, " Les juges ne peuvent pas être écartés de leurs postes. Ils ne peuvent pas être renvoyés ou suspendus ni transférés à un autre siège ou fonction que par décision du Conseil Supérieur de la Magistrature, adoptée soit avec leur consentement, soit à la suite d’une procédure entamée pour les motifs et avec les garanties établies par la loi sur le statut des magistrats " (art. 107, 1er alinéa).

Dès ces principes de la Constitution on voit que le problème de l’indépendance ne dérive pas seulement des interférences éventuelles des autres pouvoirs, mais aussi de l’existence d’une organisation judiciaire à caractère hiérarchique. Ainsi un long débat s’est ouvert en Italie pour réaliser, à coté de l’indépendance " externe ", aussi l’indépendance " interne ". Dans ce but furent adoptées toute une série de lois, de décisions de la Cour Constitutionnelle et de décision du Conseil Supérieur de la Magistrature, qui ont conduit sinon à l’élimination, certes à une forte réduction de l’influence de la hiérarchie et du principe de la carrière. Un rôle très important dans cette évolution a joué l’initiative de l’Association Nationale des Magistrats et le débat qu’elle a stimulé dans larges secteurs de la culture juridique.

Il faut ajouter ici que, par une longue tradition, la magistrature italienne n’inclut pas seulement les magistrats du siège, mais aussi les magistrats du parquet. Par conséquent, quand nous traitons du statut des magistrats, de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de ses garanties, nous nous référons toujours aux deux catégories de magistrats, dont le nombre total se situe aujourd’hui autour des 9.000 unités.

En bref (et en résumant aussi des principes qui seront illustrés infra), le système judiciaire italien, dans le cadre des principes de la Constitution, est caractérisé par :

    1. la reconnaissance du pouvoir judiciaire comme un pouvoir autonome et indépendant de tout autre pouvoir (art. 104) ;
    2. l’attribution des fonctions administratives concernant l’exercice de la juridiction et la carrière des magistrats au Conseil Supérieur de la Magistrature (art. 105) ;
    3. l’exclusion de toute hiérarchie bureaucratique parmi les magistrats (art. 107) ;
    4. la prévision que le juge n’est soumis qu’à l’autorité de la loi (art. 101) ;
    5. l’attribution au Ministre de la justice du seul pouvoir d’entamer les procédures disciplinaires (mais pas de statuer à cet égard, pour cela étant compétent le C.S.M.) et de la responsabilité relative à l’organisation et au fonctionnement des services concernant la justice (art. 110).

Au niveau de la législation ordinaire, la prévision constitutionnelle d’une loi organique portant reforme de l’ordre judiciaire n’a jamais trouvé application : le statut de la magistrature est régi par des lois antérieures à la Constitution, dont les plus importantes sont la loi de 1946 sur les garanties de la magistrature et le décret royal de 1941, souvent amendés. A présent le statut des magistrats résulte d’un mélange de sources diverses, y compris la jurisprudence et les délibérations du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cela dit, les garanties qui entourent la magistrature italienne sont néanmoins remarquablement élevées, justement par le biais des principes fondamentaux contenus dans la Constitution. Par rapport aux autres régimes démocratiques, le système judiciaire italien vante désormais un niveau d’indépendance institutionnelle externe et interne qui semble presque unique. En effet, les reformes des années 70, qui ont bouleversé la carrière des magistrats, ont changé la structure traditionnelle de l’organisation judiciaire.
 

7. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (C.S.M.) : composition et élection.

La singularité du cas italien vis-à-vis d’autres pays et systèmes d’Europe et du monde tient aussi au rôle joué par le Conseil Supérieure de la Magistrature (C.S.M.).

Avant la Constitution républicaine, tout l’ensemble des activités qui peuvent être définies comme " l’administration de la juridiction " était assigné à la branche exécutive, qui exerçait ces fonctions soit directement soit à travers les chefs des juridictions, qui étaient sous ce point de vue explicitement attachés au Ministre de la justice par un lien hiérarchique. Pour isoler l’ordre judiciaire de toute influence politique, la Constitution a coupé presque tous les liens entre l’ordre judiciaire et les autres pouvoirs de l’Etat. On a ainsi réservé au C.S.M. la tâche d’administrer toutes les mesures relatives au statut du magistrat et susceptibles d’interférer avec ses garanties d’indépendance. Plus exactement, " le recrutement, les affectations, les mutations, les avancements et les dispositions disciplinaires " (art. 105 Const.) ont été soustraits au Garde des sceaux et concentrés dans un organe qui constitue le principal, peut-être le seul, point de ralliement institutionnel entre magistrature et système politique.

En ce qui concerne sa composition, le C.S.M. est formé par 27 membres, dont :

La physionomie actuelle du C.S.M. s’est formée par étapes, au travers d’un travail qui s’est accompli aussi bien par la traduction des préceptes constitutionnelles en normes de lois ordinaires que par la spécification progressive des fonctions de l’organe.

Pour ce qui est de la composante que nous appelons " de robe " (componenti togati), c’est-à-dire les 16 magistrats élus par leurs pairs, il faut dire que cette élection se réalise (suite à la loi n. 44 du 28 mars 2002, qui a réduit de 33 à 27 le numéro des membres du C.S.M.) selon un système majoritaire. Il faut dire ici qu’un rôle très important est joué encore dans ces élections par les " courants ", c’est à dire les quatre regroupements dans lesquels est partagée l’association nationale des magistrats et qui parfois agissent au sein du corps judiciaire comme des véritables partis politiques (ou, si l’on préfère, comme des lobbies ou groupes de pression) en organisant des campagnes électorales, afin de faire élire leurs candidats au C.S.M.

En ce qui concerne la désignation de ce que nous appelons la composante " laïque " (componenti laici), c’est-à-dire les 8 avocats ou professeurs élus par les deux chambres réunies du Parlement, la règle suivie jusqu’à maintenant par le Législatif a été celle de respecter les proportions qui existent entre les divers partis politiques représentés dans le Parlement, y compris l’opposition.

La durée de chaque conseil est fixée à quatre ans (on emploie ici le terme consigliatura, pour désigner cette période) ; les membres élus ne sont pas immédiatement rééligibles (Art. 104 de la Constitution).
 

8. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (C.S.M.) : fonctionnement et commissions.

En revenant au fonctionnement de cet organe, il faut savoir que l’activité du C.S.M. se déroule sur deux niveaux : celui de l’assemblée plénière et celui des commissions. Toute délibération du Conseil doit être adoptée par l’assemblée plénière, qui est régulièrement constituée avec la présence de (au moins) quatorze membres magistrats et de sept " laïques ". L’assemblée plénière est présidée par le Président de la République, qui est aussi le Président du C.S.M. En réalité le Chef de l’Etat ne prend part qu’exceptionnellement aux débats du Conseil. Dans la majeure partie des cas le Président délègue ses pouvoirs au Vice-Président du C.S.M., qui joue ainsi un rôle très important au sein du Conseil.

Le Vice-Président est élu par le Conseil parmi les seuls membres " laïques ". Il est aussi président du Comité de la Présidence, qui est composé aussi par le Premier Président et par le Procureur Général de la Cour de Cassation. A ce Comité revient la tâche de prendre les initiatives de caractère économique concernant le Conseil et d’exécuter les délibérations de l’assemblée plénière. L’activité bureaucratique est dirigée par un Secrétaire Général, qui est assisté par un Vice-Secrétaire Général et par une dizaine de Secrétaires, qui sont des magistrats détachés. Le personnel auxiliaire, provenant des rôles des greffes, des secrétaires et des commis est composé par plusieurs dizaines d’unités. Auprès du bureau du Secrétariat Général existe aussi un bureau d’informations, dont la tâche est celle de donner à tous les magistrats qui le désirent toute information non réservée relative aux affaires qui les concernent.

Les commissions ont pour but d’élaborer et de soumettre à l’assemblée plénière les propositions de délibération. Mis à part la Section Disciplinaire, le Conseil comprend les suivantes douze commissions.

Tout dossier de compétence du C.S.M. doit d’abord être étudié par la compétente commission, qui rédige une proposition sur laquelle le Conseil va voter. Ainsi, par exemple, lorsque le poste de Président d’une Cour d’appel est mis à concours, le Président de la Cinquième Commission ouvre un dossier et nomme un Conseiller rapporteur. Celui-ci va récolter les demandes, étudier les dossiers et instruire l’affaire. La Commission va ensuite proposer un nom, après avoir éventuellement entendu les candidats. Si l’assemblée plénière n’approuve pas la proposition de la commission, celle-ci est renvoyée à la commission, afin que la commission formule une proposition différente. Les commissions sont formées chaque année par le Président sur avis du Comité de la Présidence. Leur composition est toujours la suivante : deux tiers de ses membres sont des magistrats et un tiers sont des membres " laïques ". Les commissions sont normalement composées de six membres (quatre " de robe " et deux " laïcs "), sauf la sixième, qui en compte neuf (six et trois) et la commission pour le budget, composée seulement de trois membres (deux et un). De la section disciplinaire on traitera plus bas (cf. infra, n. 17). Pour chaque commission sont nommés (par le président du C.S.M.) un Président et un Vice-Président.

Les fonctions du C.S.M. sont surtout des fonctions d’ " administration de la juridiction ". En premier lieu on pourra mentionner les fonctions relatives à l’organisation du Conseil même : on pourra citer à ce propos la vérification des titres d’admissibilité de ses membres, l’élection du Vice-Président, la formation des commissions, le choix des magistrats qui composent le Secrétariat, etc. En deuxième lieu le C.S.M. exerce les fonctions – qu’on a déjà mentionnées – concernant le statut des magistrats ; il s’agit, plus exactement, des suivantes : " le recrutement, les affectations, les mutations, les avancements et les procédures disciplinaires " (art. 105 Const.). Dans ce cadre un rôle très important concerne l’approbation – toutes les deux années – des " tableaux " concernant la distribution des matières, des affaires et des magistrats dans chaque juridiction, sur avis des Conseils Judiciaires auprès de chaque Cour d’appel.

Chaque magistrat peut s’adresser au Conseil en lui posant des questions concernant le statut des magistrats et les rapports avec les chefs de juridiction. Le Conseil dispose aussi d’un bureau d’études, à qui revient la tâche d’élaborer les propositions de réponse à ces questions ainsi que d’étudier toute question juridique qui puisse intéresser le Conseil. Le C.S.M. a aussi le pouvoir d’élaborer des propositions adressées au Ministre sur n’importe quelle matière concernant l’organisation et le fonctionnement des services relatifs à la justice. Il peut aussi donner des avis sur les propositions de loi en matière de statut des magistrats et d’administration de la justice. Il peut aussi présenter au Parlement des relations sur l’état de la justice. Le Conseil peut enfin s’exprimer par des " ordres du jour " ou d’autres délibérations sur n’importe quel événement qui intéresse le fonctionnement de la justice.

Dans quatre domaines " sensibles " de la justice l’activité du Conseil Supérieur de la Magistrature si révèle de plus en plus importante : je me réfère ici aux matières suivantes :

On va donc essayer d’approfondir dans les détails le rôle joué par le C.S.M. dans chacun de ces secteurs.
 

9. Le rôle du C.S.M. dans le recrutement des magistrats : généralités.

La culture juridique dominante en Italie depuis au moins un siècle considère le concours comme la seule voie d’accès à l’ordre judiciaire capable à la fois de réaliser une sélection efficace sur le plan professionnel et de mettre la magistrature à l’abri de toute influence politique. Il s’agit cependant de deux buts qui n’ont pas été atteints dans la même mesure. En effet, personne ne doute que l’indépendance à été assurée au sens le plus large du terme. Plusieurs incertitudes restent, par contre, en ce qui concerne l’efficacité de la méthode du concours par rapport à l’aspect de la sélection.

Les conditions d’admission au concours – qui est géré par le Conseil Supérieur de la Magistrature avec l’aide du Ministère de la Justice – comprennent la jouissance des droits civiques et politiques, l’aptitude physique et psychique à exercer comme magistrat, la bonne moralité, la licence en droit. L’âge des candidats doit être compris entre 21 et 40 ans, sauf quelques exceptions prévues par la loi en ce qui concerne la limite des 40 ans. Du moment que le choix de la carrière judiciaire se fait d’habitude tout de suite après la conclusion des études universitaires, les candidats au concours sont presque toujours dépourvus de toute expérience professionnelle. En tout cas, celle-ci ne pourrait faire l’objet d’aucune évaluation dès qu’elle ne constitue pas un titre de préférence. On verra cependant tout de suite comme une récente loi a essayé de remédier partiellement à cette situation.

Suivant la tradition de la fonction publique, le concours a gardé sa formulation proprement généraliste, étant théoriquement dessiné pour choisir des candidats aptes à remplir les fonctions les plus diverses. Les épreuves écrites se déroulent devant une commission composée de magistrats et professeurs nommés par le C.S.M. ; elles consistent à écrire, en trois différentes journées, trois essais sur des sujets fixés par la commission, dans les domaines, respectivement, du droit civil, du droit pénal et du droit administratif. Les épreuves orales, de leur côté, font aussi appel à des connaissances qui, en embrassant pratiquement tous les domaines du savoir juridique, ne peuvent pas être assez approfondies. En outre, le côté pratique ne peut y jouer aucun rôle.

Avant d’entrer dans les détails du système de recrutement des magistrats italiens il faudra encore ajouter que la loi n. 303 du 5 août 1998 a donné exécution à l’article 106, troisième alinéa de la Constitution, prévoyant la possibilité que des professeurs d’université et des avocats soient appelés – " ayant bien mérité " – à intégrer les rangs de la Cour de Cassation. Le nombre maximum de ces nouveaux magistrats ne peut pourtant excéder la dixième partie des places prévues au total pour les conseillers de la Cour Suprême. C’est au C.S.M. qui revient la tâche de choisir ces nouveaux conseillers de la Cour, parmi les listes présentées par le Conseil Universitaire National et par le Conseil National des Barreaux.

Depuis une vingtaine d’années l’offre des candidats s’est accrue progressivement, de façon à créer de très graves difficultés à la gestion du recrutement. En effet, dans la période comprise entre le début des années 80 et la fin des années 90, ils étaient passés de 5.000 à 10.000-15.000. Le nombre de ceux qui se présentaient aux épreuves écrites était cependant inférieur, étant passé dans la même époque de 1.000 à 6.000 unités environ ; parmi eux, ceux qui terminaient toutes les trois épreuves écrites étaient environs 2.000 (dans le concours du mois de juillet 1995, par exemple, ils avaient été 2.303, dans celui de juin 1997, ils avaient été 2.414). Les places disponibles variaient dans la même période d’un minimum de 92 à un maximum de 300. Le nombre des personnes admises aux épreuves orales était toujours à peux près égal à celui des places mises à concours.

Afin de faire face à cette situation, des importantes nouveautés ont été introduites par le décret législatif n° 398 du 17 novembre 1997, portant modifications à la discipline du concours pour l’accès à la magistrature, ainsi que l’introduction des écoles de spécialisation pour juristes. Pour réduire le grand nombre des candidats dont on vient de faire état, mais aussi pour combler les épouvantables vides dans la formation juridique donnée par les facultés de droit en Italie, ce texte prévoit que les futurs magistrats ne seront admis au concours qu’après avoir obtenu le diplôme d’une des écoles de spécialisations prévues par le même décret législatif. Pratiquement ce système ne sera appliqué qu’à partir de l’an 2004 : ce n’est en effet que pour les étudiants inscrits en 1998 à la première année de la faculté de droit (qui feront leur maîtrise à partir de 2002) que le diplôme d’une de ces écoles va constituer une condition sine qua non pour l’admission au concours.

Les écoles de spécialisation pour juristes sont créées au niveau local, auprès de plusieurs universités ; le corps enseignant est composé principalement de professeurs, bien que la loi prévoie aussi la présence de magistrats, avocats et notaires : le but poursuivi par la loi est justement celui de fournir aux candidats – déjà licenciés en droit – une formation à la fois théorique et pratique ; ce but risque pourtant de ne pas être atteint, vu l’excessive importance attribuée dans l’organisation des écoles à ces mêmes structures (c’est-à-dire aux universités) qui ont déjà fait preuve de très graves échecs dans la formation des étudiants. Les futurs candidats aux postes de magistrat seront donc obligés – une fois leur licence en droit obtenue – de s’inscrire à une de ces écoles, l’immatriculation auxquelles est soumise à un examen d’admission. La période de scolarité est fixée à deux ans pour chaque candidat. A la fin de cette période, caractérisée par la présence d’examens intermédiaires, une épreuve finale aura lieu, pour établir si le candidat aura droit à obtenir son diplôme de spécialisation. Comme on vient de le dire, pour les licenciés en droit qui se sont inscrit à la faculté à partir de l’année 1998/1999, ce diplôme va constituer une condition impérative pour pouvoir s’inscrire au concours pour l’accès à la magistrature. On envisage aussi de rendre le diplôme obligatoire pour tous ceux qui voudront accéder à la profession d’avocat et de notaire, mais pour l’instant cette proposition n’a pas encore été retenue.
 

10. Le rôle du C.S.M. dans le recrutement des magistrats : la réforme du système des concours et la présélection informatisée.

Aux termes du décret législatif n° 398 du 17 novembre 1997, jusqu’à ce que le système de " formation préliminaire " par le biais des écoles de spécialisation pour juristes ne soit pas entré complètement en fonction, les licenciés en droit qui veulent s’inscrire au concours doivent affronter une épreuve préliminaire de sélection informatisée.

Cette " présélection informatisée " est constituée d’une épreuve sur ordinateur, au cours de laquelle le candidat dispose de 80 minutes pour répondre à 60 questions concernant le droit civil, le droit pénal et le droit administratif, en cochant une des quatre réponses proposées pour chaque question. La correction est effectuée ensuite de façon automatique par l’ordinateur. Le premier (et pour l’instant aussi le dernier) concours soumis à cette nouvelle procédure a été celui ouvert par le décret du Ministre de la Justice en date du 9 décembre 1998 (pour 350 postes). Le nombre des candidats qui se sont présentés à l’épreuve préliminaire a été impressionnant : 25.535. Le premier essai de présélection informatisée s’est donc déroulé sur un total de 160 séances, comprises entre le 3 mai et le 19 juillet 1999 ; chacune de ces séances a été consacrée à un groupe de candidats différent. 12.964 candidats se sont effectivement présentés à l’épreuve de présélection informatisée, dont 3.024 ont été reçus. Les épreuves écrites se sont tenues au cours du mois de février 2000. La correction des essais des candidats est encore en cours ; on ne prévoit pas encore quand les épreuves orales pourront avoir lieu.

Afin d’organiser cet immense travail, le Ministre de la Justice, par son décret n. 228 du 1er juin 1998, a organisé une commission dont la tâche est celle de créer et de mettre constamment à jour l’archive informatisé des questions et des réponses. Le nombre des questions ne peut être inférieur aux 5.000 pour chacune des trois matières concernées. Les questions doivent directement toucher au texte de la loi et non pas à des interprétations de celle-ci. Les candidats doivent se présenter – divisés en groupes de 100-150 personnes – selon un calendrier fixé par le Ministère. A chaque candidat est proposée une liste de 60 questions tirées à sort par l’ordinateur. A chaque réponse exacte est assigné un certain nombre de points, correspondant à la difficulté de la question, classée comme " facile ", " moyenne " ou " difficile " ; le score pour chaque réponse (ratée, omise ou correcte) peut varier de - 0.3 à + 1.5, suivant le degré de difficulté de la question. En ce qui concerne le degré de difficulté des questions, celles-ci sont donc classées comme " faciles ", " moyennes " ou " difficiles " : le premier groupe doit constituer le 30% de la totalité des questions, le deuxième le 50% et le troisième le 20%. La correction informatisée est effectuée pour tous les candidats le même jour ; une liste de classement des candidats est dressée suivant les points reçus. Aux épreuves écrites sont admis les candidats ayant obtenu les meilleurs scores, dans la limite d’un nombre de candidats qui ne peut pas dépasser de cinq fois le nombre de candidats mis à concours (par exemple, si 200 places sont mises à concours, le nombre des personnes admises aux épreuves écrites ne peut pas dépasser les 1.000 unités).

Les épreuves écrites se déroulent – comme on l’a déjà remarqué – devant une commission de magistrats et professeurs (25 au total) choisis par le C.S.M. ; elle est composée par un magistrat de la Cour de Cassation, qui en est le président, par 16 autres magistrats (dont un doit avoir atteint le degré de magistrat de Cassation – même s’il n’en exerce pas effectivement les fonctions – et les autres celui de magistrat de Cour d’appel), ainsi que par 8 professeurs d’université. La commission peut se diviser en sous-commissions, pourvu qu’au moins 9 membres (dont au moins un professeur) soient présents.

Les épreuves écrites consistent à écrire, en trois différentes journées, trois essais sur des sujets fixés par la commission, dans les domaines, respectivement, du droit civil, du droit pénal et du droit administratif. Sont admis aux épreuves orales les candidats ayant obtenu un score d’au moins 12 points sur 20 dans chacune des trois épreuves écrites. Les épreuves orales consistent à répondre à une interrogation sur chacune des matières suivantes :

  1. droit civil et institutions de droit romain ;
  2. procédure civile ;
  3. droit pénal ;
  4. procédure pénale ;
  5. droit administratif, droit constitutionnel et droit fiscal ;
  6. droit du travail et droit social ;
  7. droit communautaire ;
  8. droit international (public et privé) et éléments d’informatique juridique.

Sont retenus les candidats qui obtiennent au moins 6 points sur 10 dans chacune des matières de l’épreuve orale et qui au total reçoivent au moins 98 points en sommant le score de l’épreuve orale et celui de l’épreuve écrite.
 

11. Le rôle du C.S.M. dans le recrutement des magistrats : l’échec du système de présélection informatisée et les dernières propositions de réforme.

Le complexe et coûteux système de présélection informatisée qui vient juste de débuter s’est déjà avéré être un échec. Bon nombre des candidats qui avaient été exclus pour avoir raté une seule réponse se sont pourvus devant la justice administrative en se plaignant du fait que, entre autres, la présélection informatisée ne correspondrait pas aux critères fixés par la loi par rapport à la preuve définitive. En effet (contrairement à ce qui se passe dans la preuve finale) aucun score minimum n’est prévu pour la présélection, le décret ministériel ne prévoyant qu’un nombre maximum de candidats qui peuvent être reçus à se présenter aux épreuves écrites. De surcroît, la première (et pour l’instant dernière) présélection ne s’est basée que sur des questions de droit civil touchant aux domaines propres du notariat. Effectivement, au moment où la présélection a été organisée, les archives des questions relatives au droit pénal et au droit administratif n’avaient pas encore été terminées, tandis que l’archive de droit civil n’avait pas encore été enrichi des questions touchant aux matières (p. ex. : responsabilité aquilienne) autres que celles caractérisant l’activité des notaires. La raison de cela est que le seul archive prêt à l’époque était celui se référant à la présélection informatisée pour l’accès au notariat. Les tribunaux régionaux administratifs et le Conseil d’Etat, saisis en voie de référé par environ 700 candidats exclus, ont presque toujours suspendu les décisions négatives de la commission, ainsi admettant les candidats aux épreuves écrites, qui ont lieu au cours du mois de février 2000.

Si à tout cela on ajoute que la preuve de présélection informatisée a duré en elle-même quelque mois, on peut vraiment dire qu’on est contraint d’assister à une formidable démonstration d’impuissance du système actuel de recrutement des magistrats. A côté de ce véritable échec il faut aussi tenir compte des vides qui de plus en plus vont se former dans les rangs du pouvoir judiciaire italien, surtout suite aux soucis concernant le traitement de retraite qui vont vraisemblablement convaincre nombres des collègues les plus anciens à quitter leurs postes avant le temps. D’ailleurs, déjà aujourd’hui on estime en 870 les places vacantes sur un effectif de 9.109 magistrats. La magistrature italienne est d’ailleurs à juste titre strictement contraire à toute forme de recrutement extraordinaire, ce qui entraînerait inévitablement un abaissement du niveau de professionnalisme des juges et des procureurs.

Face à cette situation dont la gravité s’accroît jour après jour, plusieurs propositions ont été faites pour sortir de l’impasse. La première consiste, par exemple, à ouvrir un nouveau concours en éliminant, tout simplement, la présélection, au moins jusqu’à ce que les juges administratifs ne se soient pas prononcés de façon définitive. Une autre proposition concerne la déconcentration des concours au niveau des Cours d’appel. Cependant, afin d’éviter les inévitables disparités de traitement (du genre de celles qui caractérisent aujourd’hui l’examen d’admission aux barreaux), il faudrait prévoir une épreuve unique à niveau national, déconcentrée dans quelques sièges de Cour d’appel, sous le contrôle d’une commission unique, qui devrait pourtant se diviser en plusieurs sous-commissions. D’autres propositions actuellement en discussion (surtout au Ministère, ainsi qu’au sein du C.S.M., et de l’Association Nationale des Magistrats Italiens) concernent enfin l’augmentation de 1.000 unités du nombre total des magistrats per le biais d’un concours extraordinaire. Il s’agirait ici de prévoir un concours ouvert à des sujets se trouvant dans des conditions particulières, telles qu’avocats, greffes, notaires, magistrats militaires, administratifs ou comptables, avocats de l’Etat, hauts fonctionnaires de l’Etat, etc. Un autre critère de présélection pour ce genre de concours pourrait être enfin représenté par les notes obtenues lors de l’examen final universitaire (maîtrise).
 

12. Le rôle du C.S.M. dans la formation initiale des magistrats.

Venant donc à traiter du rôle du C.S.M. dans la formation des magistrats, il faut d’abord dire qu’en peu partout dans le monde on fait aujourd’hui une distinction très claire entre :

  1. formation initiale et
  2. formation continue.

En ce qui concerne la première on aperçoit que, dans la plupart des pays qui se rangent au modèle bureaucratique, le recrutement par concours a connu des transformations importantes, même si les " correctifs " mis en place sont divers. Tout d’abord, l’accès latéral à la magistrature, comme moyen apte aussi à contraster les tendances typiques des corps fermés, représente un de ces correctifs dans des pays tels que la France, la Belgique ou les Pays-Bas, ainsi que dans les systèmes de Common Law (où le recrutement des juges n’est effectué que parmi les avocats pouvant justifier d’un certain nombre d’années de pratique).

Par contre, le système italien a presque toujours refusé jusqu’à maintenant d’utiliser les expériences professionnelles qui se forment à l’extérieur de l’organisation judiciaire. En deuxième lieu, les institutions chargées de la formation juridique des futurs juges et magistrats du parquet se sont désormais répandues dans le monde. Qu’il s’agisse d’une école ad hoc comme en France, en Espagne, au Portugal, ou aux Pays-Bas, ou bien d’un service préparatoire comme en Allemagne, la tendance fort visible est celle de donner aux magistrats une préparation professionnelle apte à faire face à la croissance aussi bien qu’à la transformation des tâches dont ils seront chargés. En revanche, en Italie le concours d’entrée n’est ni précédé ni tantôt suivi d’aucune formation gérée par une institution spécialisée et indépendante. C’est un déficit lamentable, dont j’ai déjà fait état dans plusieurs de mes études.

La préparation professionnelle des jeunes magistrats italiens est donc confiée actuellement au Conseil Supérieur de la Magistrature ; elle a lieu presque exclusivement on the job,c’est-à-dire sous la surveillance et la conduite des magistrats plus âgés. L’apprentissage lors du stage est divisé en deux phases :

  1. la formation " ordinaire " ou " générique ", qui se réalise par une rotation à l’intérieur de divers bureaux, sous la surveillance de magistrats experts, et
  2. la formation dite " visée ", chargée de donner une préparation spécifique à l’exercice des fonctions qui feront l’objet de la première affectation.

L’encombrement des sièges destinés à l’apprentissage, surtout au cours de la formation " ordinaire ", constitue un problème désormais évident et susceptible de compromettre la qualité des stages. Aussi le choix des magistrats aptes à exercer les fonctions de " maître " pose des problèmes : à s’en tenir aux opinions exprimées par les auditeurs, la disponibilité et les capacités didactiques des magistrats désignés ne sont pas toujours à la hauteur de la tâche. Une deuxième difficulté concerne l’exigence d’intégrer les (assez souvent modestes) notions théoriques acquises à l’université.

Toute la matière a été réorganisée par le décret du Président de la République en date du 17 juillet 1998, qui a fixé en 18 mois la durée minimale de la période d’apprentissage (dont 13 de formation " ordinaire " et 5 de formation " visée "), en précisant les règles et les compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature ainsi que des Conseils judiciaires et des Commissions pour les auditeurs constituées au niveau des districts des Cours d’appel. Si l’on doit porter une appréciation de ce système, il faut d’abord remarquer que le temps consacré à la formation, au-delà de l’engagement individuel dans l’étude, ne semble pas suffisant. En effet, les auditeurs doivent participer à des cours organisés par les Conseils judiciaires auprès des différentes cours d’appel et par le C.S.M. à Rome. Et pourtant, mis à part les " rencontres romaines ", la situation au niveau locale est tout autre qu’homogène. Plus généralement on peut observer que la prolifération des connaissances juridiques et non juridiques exigées des magistrats, qui correspond à la multiplication des rôles qu’ils sont appelés à tenir, n’a abouti à aucune forme de spécialisation.

Aucun stage dans une administration publique ou à l’étranger n’est prévu. Aucune réelle sélection n’est effectuée au cours de cette brève période, en dépit d’un système de contrôle inutilement baroque et complexe, prévoyant – entre autres – la tenue d’un " cahier " de formation, qui doit enregistrer les étapes d’un parcours de formation coordonné, rédigé et vérifié à chaque pas avec l’intervention :

  1. du magistrat " maître ",
  2. des magistrats " collaborateurs " du Conseil judiciaire,
  3. des Commissions pour la formation initiale constituées auprès de chaque district de Cour d’appel,
  4. des Conseils judiciaires,
  5. du Comité Scientifique auprès du C.S.M.,
  6. de la Commission pour la formation auprès du C.S.M.,
  7. de l’assemblée plénière du C.S.M. …

En effet, sauf cas très exceptionnels, les évaluations d’aptitude rédigées par les magistrats responsables de la formation et par le Conseil Judiciaire compétent sont positives et les auditeurs sont reçus dans l’exercice des fonctions juridictionnelles.
 

13. Le rôle du C.S.M. dans la formation continue des magistrats.

En ce qui concerne la formation continue, il faudra dire d’abord qu’il s’agit d’un sujet auquel l’auteur de cette étude tient d’une façon tout à fait particulière, ayant été engagé dans cette activité au cours de trois ans. Il s’agit d’un thème sur lequel on ne peut parler sans beaucoup de regret pour la chance que l’Italie a perdue de se doter – au moins pour le secteur de la formation continue – d’une Ecole de la Magistrature du genre de l’E.N.M. française.

En premier lieu il faudra dire qu’un système très rudimentaire de formation continue pour les magistrats a débuté en 1973, organisé par le Conseil Supérieur de la Magistrature. A partir de cette année et au cours des années suivantes le C.S.M. a mis en place des cours en forme de " semaines de formation " (en moyenne une dizaine pour chaque année) consacrées à des matières spécifiques : techniques d’enquête criminelles, droit des mineurs, droit du travail, procédure civile, droit de la famille, etc.

Le 23 septembre 1993 le Ministre de la Justice et le Vice-Président du C.S.M. signaient une convention suivant laquelle une " Structure pour la formation des magistrats " (Struttura di Formazione Professionale per Magistrati) était constituée en voie expérimentale. A la tête de cet organisme il y avait un Comité Scientifique, qui était composé par trois membres du C.S.M., trois magistrats du Ministère, trois magistrats appliquées au C.S.M. à plein temps (dont moi-même), et cinq magistrats travaillant pour la " Struttura " à mi-temps. La formation organisée par la Structure n’était pas obligatoire pour les magistrats ; mais il faut aussi ajouter que dans quelques cas particuliers le C.S.M. avait décidé que le fait d’avoir suivi des cours de formation constituait un titre de préférence en vue de la destination à certaines fonctions. La convention qu’on vient de mentionner prévoyait l’organisation, chaque année, de cinquante cours de la durée d’une semaine, chacun de ces cours était réservé à environs cent magistrats : donc, chaque année, 5.000 magistrats (sur un total, à l’époque, de 8.400) pouvaient être touchés par une activité de formation. Bien que la préparation initiale de futurs magistrats ne fût pas indiquée parmi ses buts, " l’Ecole " aurait pu devenir dans le futur un instrument institutionnel en mesure de combler le vide actuel entre la conclusion des études universitaires et l’accès au corps judiciaire.

Malheureusement, après environ neuf mois d’activité et après que l’auteur de cet article avait eu l’honneur et le privilège d’être nommé directeur de cette première école de la magistrature italienne, la convention a été annulée par la Cour des comptes, qui a soutenu qu’une structure de ce genre ne pourrait être constituée que par une loi et non par une convention administrative entre le C.S.M. et le Ministère. A cette époque-là la structure avait organisé déjà une quarantaine de semaines et de cours de formation spécialisés dans les plus différents domaines, avec la participation non seulement de magistrats, mais aussi de professeurs d’université, avocats, notaires, experts, psychologues, sociologues, journalistes, etc.

En conséquence de cette malheureuse décision le C.S.M. a décidé néanmoins de continuer l’activité de formation mise en œuvre par la Structure et d’organiser pour chacune des années suivantes une quarantaine de cours de formation suivant le même schéma de l’année 1994. Pour l’organisation de cette activité de formation le C.S.M. s’est adressé, pour les premières trois années, au même groupe de magistrats qui avaient composé le Comité Scientifique de la Structure démoli par la Cour des comptes. Par la suite le Conseil Supérieur a délibéré, en date du 9 juillet 1996, la création d’une Commission ad hoc, plus exactement, la Neuvième Commission (" Formation initiale et continue "), dont la compétence est celle d’élaborer des propositions touchant aux domaines de la formation initiale et continue des magistrats, ainsi qu’aux concours pour le recrutement. Le Comité Scientifique auprès de la Commission a reçu la charge de coopérer avec la Commission en ce qui concerne la création des programmes annuels de formation, l’organisation des activités, leur animation, le choix des rapporteurs, les méthodes d’enseignement, la direction des débats, l’élaboration de documents d’évaluation des résultats des rencontres et la présentation de propositions pour les futures initiatives dans ce domaine. Le Comité est maintenant composé de douze magistrats, de quatre professeurs d’université, d’un magistrat du Bureau des Etudes du Conseil Supérieur, ainsi que de deux Magistrats Secrétaires du C.S.M. Le nombre des magistrats ayant participé au moins à une formation a été en 1998 de 4.152 et de 4.507 en 1999. Les cours comprennent des leçons théoriques tenues par des magistrats, des professeurs, des avocats, des notaires, des experts, etc., suivies par des discussions ouvertes à tous les participants, mais aussi des groupes de travail, chacun d’eux composés par petit nombre de magistrats, sous la direction d’un coordinateur, auquel revient la tâche de présenter à l’ensemble des participants une relation sur les discussions à l’intérieur de son groupe.

Une " nouvelle frontière " de la formation des magistrats est actuellement représentée par la formation déconcentrée. Sur ce sujet l’assemblée plénière du Conseil Supérieur de la Magistrature a adopté le 26 novembre 1998 une résolution sur la proposition de la Neuvième Commission (compétente, comme on vient de le dire, en matière de formation). Le but de cette initiative est celui de favoriser le contacte avec les réalités locales, ainsi que de développer les relations avec les universités et les barreaux. En même temps on essaye d’attirer la participation des collègues qui pour des raisons de distance ou de famille sont dans l’impossibilité d’abandonner leur ville pour se rendre à Rome afin de prendre part à une formation auprès du C.S.M. Cette activité n’est pas conçue comme une alternative à la formation qui a lieu à Rome, mais comme une forme d’intégration de celle-ci. L’organisation de cette formation est confiée aux Conseils Judiciaires, ainsi qu’à un réseau de magistrats " chargés de la formation ". Ces magistrats sont en nombre de deux par chaque district de Cour d’appel ; leur tâche est celle de constituer des véritables traits d’union entre le C.S.M. et les Conseils Judiciaires dans l’organisation des initiatives de formation à niveau local, dans les domaines de la formation initiale, de celle continue, de l’aide à l’ " auto-formation " individuelle, lors du changement des fonctions (on parle ici de " reconversion "), ainsi qu’à la formation des juges de paix et des juges honoraires ; ils doivent aussi soigner la mise en place d’initiatives communes avec les universités et les barreaux.
 

14. Le rôle du C.S.M. dans le déroulement de la carrière des magistrats.

Il faut rappeler qu’en Italie la carrière est unique pour les magistrats du siège et du parquet : pour passer de l’une à l’autre fonction il ne faut qu’une évaluation d’aptitude, laquelle est très rarement négative. L’avancement a lieu maintenant à travers les étapes suivantes. Les auditeurs (qui en Italie font déjà partie du corps judiciaire), après la phase de formation, d’une durée de deux ans, peuvent être affectés à tous les postes des juridictions du premier degré : juge auprès d’un tribunal (où il exercera à la fois des fonctions de juge unique et de membre d’une formation collégiale), substitut du Procureur de la République, juge d’application des peines, juge des enfants. Le C.S.M. dresse une liste de postes, parmi ceux qui sont disponibles, convoque les auditeurs, qui indiquent leur préférence selon l’ordre du classement du concours.

L’ancienneté nécessaire pour la nomination au grade de magistrat de tribunal est de deux ans depuis la nomination à auditeur. Après onze ans (treize à partir de la nomination à auditeur) de fonction les magistrats de tribunal peuvent être nommés au grade de magistrat de Cour d’appel. L’ancienneté requise pour la déclaration d’aptitude au grade de magistrat de cassation est de sept ans à compter de la nomination du magistrat de Cour d’Appel. Au terme de huit années supplémentaires les magistrats peuvent être déclarés aptes aux fonctions directives supérieures (chefs des juridictions supérieures). Tout avancement se fait, quand on a l’ancienneté nécessaire, par décision du C.S.M., d’après le rapport du Conseil judiciaire (cf. infra, n. 16) compétent. En cas de déclaration d’inaptitude le magistrat sera soumis à une nouvelle évaluation deux ans après .

Ce système, mis en place entre 1966 et 1973, a instauré la dissociation du grade et de la fonction et supprimé les concours pour magistrat d’appel et de cassation. Un magistrat peut gravir tous les échelons de la carrière (et du traitement) à l’ancienneté sous réserve de l’évaluation du C.S.M. Ce système repose sur la dissociation du grade et de la fonction ; par conséquent l’avancement est indépendant de l’attribution effective d’un poste correspondant au grade obtenu. La seule conséquence immédiate est une augmentation du traitement.

Par exemple, pour être affecté à une fonction d’appel, conseiller de cour d’appel, substitut du procureur général près d’une cour d’appel, il faut avoir obtenu la nomination au grade d’appel. Mais un magistrat d’appel ou un magistrat qui a obtenu l’aptitude pour la cassation peut continuer à rester dans le poste qu’il occupe sans limitation de durée. Donc, malgré la permanence des qualifications qui correspondent aux grades de l’ancien système de la carrière, en réalité les qualifications, en soi, n’indiquent que la progression dans la rétribution.

Depuis un arrêt de la Cour Constitutionnelle de 1982 la situation est partiellement différente pour la nomination au poste de magistrat de cassation. La déclaration d’aptitude est, comme pour le grade d’appel, principalement liée à l’ancienneté et elle produit des effets sur le traitement. Mais l’attribution concrète de la fonction de conseiller à la Cour de Cassation de la part du C.S.M. a lieu sur la base d’une évaluation des qualités professionnelles, notamment des connaissances juridiques ; l’ancienneté joue ici un rôle relativement mineur.

Auparavant il était impossible d’être affecté, même sur demande, à une fonction du grade inférieur. Suite à la réforme opérée par la loi du 6 août 1992, cette limite a été éliminée par le biais de l’introduction du principe dit de la " réversibilité des fonctions ".

Le système qu’on vient d’exposer à eu le grand mérite de mettre fin aux inconvénients de l’avancement au choix, ou par concours : c’était, au fond, un système de cooptation qui impliquait un état de subordination psychologique des " inférieurs " et favorisait sans doute l’esprit de conformisme. Le principe hiérarchique se pose comme une contradiction par rapport au principe de l’indépendance. Dans deux dispositions constitutionnelles " les juges ne sont soumis qu’à la loi " (art.101, 2e alinéa, de la Constitution) et " les magistrats ne se différencient entre eux que par la diversité de leurs fonctions " (art. 107, 2e alinéa, de la Constitution), on a vu la garantie de l’indépendance de la magistrature non seulement à l’égard du Gouvernement, mais aussi de l’ " indépendance interne ", celle de chaque magistrat vis-à-vis de la hiérarchie et du corps judiciaire. Et en effet, tout magistrat, à quelque endroit de la hiérarchie qu’il se place, exerce le même pouvoir de juger.

L’attribution au C.S.M. de la décision finale sur les évaluations, les affectations et les nominations est une véritable garantie de l’indépendance de chaque magistrat. En outre la dissociation du grade et de la fonction a eu une conséquence : les magistrats avec une certaine ancienneté et une expérience professionnelle ont pu, sans crainte de conséquences négatives sur leur carrière, rester dans des postes du premier degré de très grande importance, face aux grandes organisations criminelles, à la criminalité des affaires, à la mafia, au terrorisme. Autrement, il n’y aurait eu d’autres solutions qu’affecter à ces postes les auditeurs à l’occasion de leur première nomination.
 

15. Le rôle du C.S.M. dans la nomination des chefs de juridiction.

Pour la nomination des chefs de juridiction, des procureurs de la République et Procureurs Généraux, on adopte une procédure particulière. Toutes les fonctions de direction sont attribuées pour une durée indéterminée ; pour quelques-unes il est exigé la qualification de magistrat d’appel ou de cassation. Quand un poste de chef de juridiction ou de procureur devient vacant, parce que le titulaire a obtenu une charge supérieure ou est parti à la retraite, le C.S.M. invite tous les magistrats qui ont la qualification nécessaire à présenter leur candidature. Pour les fonctions les plus importantes les demandes sont nombreuses et la concurrence est forte : le C.S.M. décide compte tenu de l’ancienneté et des qualités professionnelles.

Pendant quelques années, le C.S.M. a attribué une importance prépondérante au critère de l’ancienneté. Désormais la tendance actuelle serait plutôt de privilégier celui de l’évaluation des aptitudes professionnelles. La loi qui vient d’instituer le poste de Procureur national anti-mafia, a, pour la première fois, expressément établi que l’ancienneté n’est qu’un critère subsidiaire. La nomination des chefs de juridiction pose le problème de l’insuffisance d’informations précises dans les dossiers sur les qualités professionnelles des magistrats. Très souvent le C.S.M. convoque les candidats pour un entretien devant la Commission compétente.

Une autre difficulté provient du fait que, pour les chefs des juridictions, la nomination du candidat choisi par le C.S.M. ne devient définitive qu’après le consentement du Ministre de la Justice. Pendant de nombreuses années les oppositions entre C.S.M. et Ministre ont été rares (ou bien cachées) et en tout cas on a toujours trouvé une solution. La Cour Constitutionnelle avec l’arrêt du 9 juillet 1992 a évité de prendre une décision nette, en se limitant à affirmer l’exigence d’une " loyale coopération " entre Ministre et C.S.M. La Cour ne pouvait arriver à affirmer la nécessité d’un avis conforme du Ministre, car ça serait certainement contraire au système établi par la Constitution. En réalité, elle a reconnu au Ministre un rôle bien supérieur à celui que la grande majorité des spécialistes pensait dériver des principes de la Constitution.

Les fonctions de chefs de juridictions (siège et parquet) sont actuellement attribuées pour une durée indéterminée, mais ce point est en discussion depuis longtemps. Dans un projet de loi il est prévu que toutes ces charges seront attribuées pour un temps déterminé ; ce qui correspond aussi à l’opinion exprimée par le C.S.M. dans le Rapport annuel sur l’état de la justice adopté le 27 mai 1992 (p. 93).
 

16. Les conseils judiciaires.

Les Conseils judiciaires sont constitués près de chaque Cour d’appel et sont composés du Premier Président de la Cour, du Procureur Général et de huit membres (dont trois suppléants) élus tous les deux ans par les magistrats. Les huit membres sont élus parmi les magistrats de tribunal, d’appel et de cassation sans distinction entre siège et parquet. Les fonctions principales du Conseil judiciaire consistent dans l’évaluation des magistrats à l’occasion des nominations au grade de magistrat de tribunal, d’appel et de cassation et dans l’établissement, tous les deux ans, du tableau de composition des juridictions (affectation des magistrats aux différents postes de chaque juridiction, formation des collèges, critères de distribution des affaires). Le Conseil judiciaire s’occupe aussi de la formation déconcentrée des auditeurs.

On discute depuis longtemps de la nécessité de réformer les Conseils judiciaires ; leur rôle devrait être renforcé pour devenir des organes déconcentrés du C.S.M., en acquérant quelques-unes des compétences aujourd’hui attribuées aux chefs de juridiction. Cette proposition est contenue dans le Rapport annuel sur l’état de la justice du C.S.M., déjà cité (le Rapport annuel sur l’état de la justice adopté le 27 mai 1992, p.92).
 

17. La fonction disciplinaire du C.S.M.

Dans le système juridique italien les procédures disciplinaires peuvent être entamées soit par le Procureur Général auprès de la Cour De Cassation, soit par le Garde des Sceaux. Un bureau spécial du Ministère de la justice s’occupe de l’inspection générale des services judiciaires et est chargé de contrôler le fonctionnement des juridictions (cf. infra, nn. 18 et 19). Une inspection peut être ordonnée à chaque instant par le ministre de la justice dans n’importe quel tribunal, dans une chambre de celui-ci, ou bien dans un bureau du parquet, afin de recueillir des informations sur ce bureau et, le cas échéant, d’entamer une procédure disciplinaire. A l’époque de l’enquête dite " mains propres ", quelques inspections ordonnées par un ministre de la justice dans le parquet de Milan avaient soulevé des graves critiques, parce qu’elles avaient été ressenties comme une interférence dans des enquêtes délicates. Le Garde des Sceaux a le pouvoir de classer une affaire disciplinaire sans donner pour cela aucune motivation (on parle à ce sujet du principe de l’ " opportunité des poursuites disciplinaires ") : cela signifie pratiquement que le Ministre n’a pas le pouvoir de condamner un magistrat, mais qu’il a le pouvoir de l’acquitter.

La procédure est entamée par une requête formelle présentée au C.S.M. par une des deux autorités qu’on vient de mentionner. Les procédures doivent être entamées dans un an à partir du moment où les faits qui justifient la proposition de la poursuite ont été connus par un des deux sujets qui peuvent entamer celle-ci. Sans quoi, l’action disciplinaire tombe en prescription.

Le magistrat mis en cause doit recevoir un acte contenant la spécification des faits dont il est accusé. L’enquête est menée par le bureau du Procureur Général auprès de la Cour de Cassation, qui peut demander que la chambre disciplinaire fixe la date pour le débat à huis clos ou bien qu’un membre de cette chambre mène une enquête avant le procès. Le magistrat incriminé peut se défendre par soi même ou bien se faire assister par l’un de ses pairs, qui jouera le rôle de l’avocat. Le décret par lequel le président de la chambre disciplinaire fixe la date de l’audience à huis clos doit être notifié au magistrat incriminé dans un an à partir du moment où la procédure a été entamée. A cette procédure s’appliquent les règles de la procédure pénale.

La chambre disciplinaire est composée par 9 membres du C.S.M. Elle est présidée par le vice-président du C.S.M. ; des autres 8 membres 2 doivent être choisi entre les membres " laïques " élus par le parlement, 1 entre les juges de la cour de cassation et 5 entre les autres membres "de robe", élus par les magistrats (art. 1, loi n° 1 du 3 janvier 1981 et art. 3, loi n° 65 du 22 novembre 1985).

La décision doit être rendue dans deux ans à partir du jour où le magistrat a reçu la notification du décret fixant la date pour l’audience, sans quoi l’action disciplinaire tombe en prescription. Le magistrat mis en cause peut demander néanmoins que la procédure soit définie dans le fonds par un arrêt.

Après que le procès a commencé et jusqu’au moment de la décision finale, la chambre disciplinaire peut adopter des mesures provisoires. Ces mesures consistent dans la possibilité que le magistrat incriminé soit suspendu de ses fonctions et de son salaire (art. 31, loi n° 511 du 31 mai 1946). Cette mesure est prise normalement lorsque le magistrat est accusé d’avoir commis des fautes très graves ou s’il y a déjà des éléments de preuve lourds contre celui-ci.

Afin d’obtenir une meilleure protection de l’indépendance du pouvoir judiciaire l’article 17 de la loi n° 195 du 24 mai 1958 (la loi qui règle le fonctionnement du C.S.M.) prévoit que toute décision disciplinaire puisse être attaquée par un pourvoi en cassation, qui sera décidé par les chambres civiles réunies de cette cour. La décision du C.S.M. ne peut être attaquée qu’à cause de violation de la loi et non à cause d’erreurs sur le fond du jugement. Le délai pour la proposition du pourvoi en cassation est de 60 jours. Le pourvoi peut être présenté soit par le magistrat condamné, soit par le procureur général auprès de la cour de cassation, soit par le ministre de la justice (ces deux derniers, bien évidemment, en cas d’acquittement du magistrat). La présentation du pourvoi suspend l’application de la mesure disciplinaire.
 

18. Les compétences du Ministre de la Justice.

La compétence du Ministre de la Justice reste limitée à l’organisation et à la direction des services relatifs à la justice (Art. 110 de la Constitution). Sa seule prérogative concernant les juges – conformément à l’article 107 de la Constitution – est celle de déclencher les poursuites disciplinaires, qui se déroulent pourtant devant la Section Disciplinaire du C.S.M.

D’autres tâches et fonctions importantes sont attribuées au Ministre par plusieurs dispositions de loi, contenues dans les codes, ainsi que dans des lois spéciales. Au sein du Gouvernement, la fonction la plus importante exercée par le Ministre de la Justice est la fonction de Garde des Sceaux, c’est à dire de garant et de responsable des lois approuvées par le Parlement et de leur publication au Journal Officiel ainsi que dans le Recueil Officiel des lois. Les tâches du Ministre ont trait à des activités administratives de gestion et de distribution des services d’une part, à des activités institutionnelles très importantes de l’autre. Raison pour laquelle il a été défini comme le Ministère des Services et des Fonctions.

Ces services comprennent le recrutement et la gestion du personnel, ainsi que la mise en place des établissements, équipements, structures opérationnelles et instruments. En ce qui concerne l’activité de gestion, le ministère comprend et gère 4 secteurs différents :

En ce qui concerne son activité institutionnelle, le ministère remplit des tâches très particulières dans le domaine législatif, dans le système des professions libérales, dans la haute direction des services de l’état civil, dans l’exécution des peines et dans le traitement des détenus. Il en va de même en ce qui concerne l’examen des recours en grâce avant qu’ils ne soient soumis au Président de la République, les autorisations de poursuite en justice, les extraditions, les commissions rogatoires internationales, etc.

En ce qui concerne ses rapports avec le Conseil Supérieur de la Magistrature, le Ministre intervient dans la procédure de désignation des chefs des organismes judiciaires. Il peut participer aux réunions du Conseil et y faire des déclarations ou fournir des éclaircissements. Le Ministre peut également demander aux membres du Conseil des informations relativement au fonctionnement de la justice et sur chaque magistrat ; il exerce des fonctions d’inspection au cours de certaines enquêtes administratives, non seulement par devoir institutionnel mais également dans l’optique d’actions disciplinaires.
 

19. La structure du Ministère de la Justice : les bureaux " de directe collaboration " et les bureaux " de gestion administrative ".

Suite au règlement approuvé par le Conseil des Ministres en date du 4 août 2000 (provisoirement) et du 2 mars 2001 (définitivement), le D.P.R. (Decreto del Presidente della Repubblica) n. 55  du 6 mars 2001 a complètement remanié la structure du Ministère, qui comprend aujourd'hui deux grandes catégories de bureaux : les bureaux qui travaillent " en directe collaboration " avec le Ministre (autrement dit : directement dépendants de celui-ci) et ceux par contre définis comme " de gestion administrative ", articulés en Départements et Directions Générales.

Dans la première catégorie on retrouve les suivants.

Pour ce qui est des bureaux " de gestion administrative ", actuellement le Ministère comprend quatre Départements, à leur fois divisés en plusieurs Directions Générales, et notamment :

    1. Le Département pour les affaires de la justice.
    2. Le Département pour l’organisation judiciaire, le staff et les services.
    3. Le Département pour l’administration pénitencière.
    4. Le Département pour la justice des mineurs.

Une particularité tout autre que négligeable de l’administration centrale du Ministère tient au fait que son effectif, au niveau de la dirigence des bureaux, est formé par un nombre assez considérable de magistrats détachés auprès du Ministère.
 

20. La structure du Ministère de la Justice : les bureaux " de gestion administrative " (Départements et Directions Générales).

Venant donc à voir un peu plus de près quelques-uns des bureaux dits " de gestion administrative ", on pourra encore ajouter ce qu’il suit.

a) Le Département pour les affaires de la justice comprend trois Directions Générales.

a1) La Direction générale des Affaires civiles et des professions libérales. Cette Direction Générale s’occupe principalement de trois secteurs : le fonctionnement des services judiciaires en matière civile ; la gestion et la fourniture des équipements nécessaires pour le fonctionnement des services judiciaires ; le contrôle sur le notariat et les autres ordres professionnels. Elle est chargée de la gestion des fonds destinés aux édifices judiciaires et à l’achat des équipements indispensables pour l’accomplissement des activités des services, des greffes, des archives judiciaires, ainsi que pour la tenue des registres immobiliers. Une fonction particulièrement importante concerne le support offert par cette Direction dans la lutte contre la criminalité ; elle fournit des appareillages particuliers utilisés pour les écoutes téléphoniques et les microfilms et garantit la sécurité surtout des tribunaux. Cette Direction Générale exerce aussi des fonctions de contrôle et de gestion du personnel du notariat et des archives notariales, à partir du recrutement des notaires jusqu’à la cessation de leur activité. Elle exerce également des fonctions de contrôle sur les organismes et associations des professions libérales (avocats et procureurs, journalistes, ingénieurs, architectes, techniciens brevetés, réviseurs aux comptes, experts-comptables, psychologues). Elle organise les examens pour procureur près les Cours d’appel ainsi que l’examen national pour l’inscription au barreau des avocats ; en outre, elle tient le tableau des réviseurs aux comptes, décide les tarifs professionnels et fournit des lignes directrices et des avis aux ordres professionnels.

a2) La Direction générale des Affaires criminelles. Les activités relevant de cette Direction ont acquis au cours des dernières années une importance ‘stratégique’, surtout grâce à l’apport donné à la lutte contre la criminalité organisée : quand il a été assassiné, le juge Giovanni Falcone en était le directeur général. Cette Direction, répartie dans six services, exerce un rôle de suivi statistique de la justice pénale en général ; elle effectue le recueil, l’analyse et l’évaluation des données provenant de tout le territoire national. En même temps, elle représente le canal principal de communication avec l’étranger en matière pénale, notamment en ce qui concerne les extraditions et les commissions rogatoires ; plus récemment, elle a exercé son activité dans le nouveau domaine de la coopération européenne, conformément aux accords faisant l’objet du ‘troisième pilier’ du traité de Maastricht.

Un autre secteur de cette Direction s’occupe de l’étude et de la proposition d’initiatives législatives en matière de droit pénal, ayant pour objet le fond ou la procédure ; cette fonction est exercée en accord avec le Bureau pour la législation. Dans les cas particulièrement importants, tels que l’élaboration du nouveau code de procédure pénale, des Commissions gouvernementales ont été expressément créées ; elles se composent de spécialistes en la matière. Cette Direction exerce enfin les activités suivantes :

o          gestion du casier judiciaire, qui comprend un casier central et des bureaux périphériques situés auprès des Procures de la République, où toutes les données relatives aux décisions irrévocables de condamnation, aux auteurs des infractions et aux décisions judiciaires concernant des sujets différents (faillite) ont été récoltées. L’activité du casier à été complètement automatisée par un système électronique ;

o          gestion des requêtes d’autorisation à la poursuite des auteurs de certaines infractions (par exemple, infractions commises par un ressortissant italien hors du territoire de la République) ;

o          formulation d’avis sur les propositions de grâce qui doivent être transmises au Président de la République, qui détient le pouvoir de l’accorder aux termes de l’article 87, avant dernier alinéa, de la Constitution.

a3) Direction Général du contentieux et des droits de l’homme.

b) Le Département pour l’organisation judiciaire, le staff et les services comprend cinq Directions Générales :

b1) Direction Générale du staff et de la formation.

b2) Direction Générale des ressources, des biens et des services.

b3) Direction Générale du budget et de la comptabilité.

b4) Direction Générale des magistrats.

b5) Direction Générale des services statistiques.

c) Le Département de l’Administration pénitentiaire.

En contact direct avec l’autorité judiciaire et, en particulier, avec la magistrature de surveillance, le Département en question exerce des activités ayant pour objet l’exécution des peines d’emprisonnement ; il accomplit dans ce contexte une fonction bien précise visant à la réintégration sociale des prisonniers conformément au principe constitutionnel qui prévoit que la peine doit ‘viser à la rééducation du condamné’. Ce Département, formé d’un secrétariat général et de six Bureaux, est chargé de l’organisation et du fonctionnement des prisons et des autres structures de l’administration (centres de services sociaux, etc.) ; il s’occupe de la sécurité et de la réhabilitation des prisonniers et des condamnés jouissant de mesures autres que l’emprisonnement (sauvegarde du droit à la santé personnelle, encouragement de l’éducation et de la formation professionnelle); il est chargé de l’assistance sanitaire et de la réhabilitation des détenus, des internés (condamnés atteints par une maladie mentale) et, notamment, des toxicomanes séropositifs ou atteints par le SIDA. Il dirige et coordonne le personnel pénitentiaire et leur formation ainsi que les collaborateurs externes (experts en psychologie, criminologie).

Le corps de police pénitentiaire, qui n’a plus une nature militaire, dépend également de ce Département. Les officiers de police pénitentiaire exercent le service de sécurité à l’intérieur des prisons ; ils contrôlent les entretiens des prisonniers avec les personnes autorisées par l’autorité judiciaire ou administrative ; ils effectuent un service de protection des condamnés autorisés à travailler hors de prison ; ils font des perquisitions personnelles ou dans les cellules et sont responsables du transfèrement des prisonniers. Ils participent aux ‘activités d’observation et de rééducation des détenus et des internés’.

d) Le Département pour la justice des mineurs.

Ce service, muni d’autonomie financière et de personnel, exerce ses tâches sous l’autorité directe du Ministre ; il organise et administre les services de la justice des mineurs dans le domaine pénal (mineurs délinquants) et civil (contrôle de l’autorité des parents, adoptions), en connexion avec les activités relevant des tribunaux et des procures de la République pour les mineurs. La structure centrale est formée d’un Secrétariat, d’une Inspection et de cinq divisions ; elle inclut également des Centres régionaux ou interrégionaux pour les mineurs comprenant les établissements pénitentiaires pour les mineurs, les centres de premier accueil, les bureaux du service social pour les mineurs, etc. Parmi les activités spécifiques de ce service il faut mentionner :

o          le contrôle sur les organismes autorisés à l’élaboration des dossiers en vue de l’adoption des enfants étrangers par les ressortissants italiens ;

o          l’établissement de relations avec les autorités étrangères en matière de mineurs et pour l’exécution en Italie des conventions internationales relatives à cette matière. Beaucoup de ces tâches sont accomplies par ce Bureau en sa qualité d’ " Autorité centrale " prévue par différentes conventions ;

o          le recrutement et la formation permanente du personnel en service près les établissements pour les mineurs ;

o          la fourniture d’équipements et de services pour la gestion des activités liées à la justice des mineurs.

e) La Direction Générale des systèmes informatisés.

Il s’agit de la Direction Générale responsable de la programmation, de la rédaction des projets, du développement et de la gestion des systèmes informatisés pour la justice, soit dans les structures du Ministère, soit dans les différentes juridictions du pays.
 

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