Giacomo Oberto

Juge au Tribunal de Turin

Secrétaire Général Adjoint de l’Union Internationale des Magistrats

 

LES DROITS ET LES OBLIGATIONS DES JUGES.

LEUR RESPONSABILITE DISCIPLINAIRE

 

 

« Il n’y a d’éthique que lorsqu’il y a liberté ».

(Jacques Ruffié, De la biologie à la culture, 1976)

 

 

              Sommaire : (I) Droits et obligations des magistrats : sources et définition du statut du juge et de l’éthique judiciaire. - 1. L’internationalisation des principes concernant le statut du juge et l’éthique judiciaire. - 2. Ethique judiciaire et discipline judiciaire : sont-elles vraiment en conflit ? - (II) La responsabilité disciplinaire des magistrats en Italie : aperçu historique et principes fondamentaux - 3. Aperçu historique de la responsabilité disciplinaire des magistrats en Italie. - 4. Références à la responsabilité disciplinaire des magistrats dans la Constitution italienne. La source principale de la responsabilité disciplinaire des magistrats en Italie : la loi n° 511 du 31 mai 1946 et ses principes fondamentaux. - (III) Obligations des magistrats et fautes disciplinaires dans le système juridique italien. - 5. Principes d’éthique judiciaire tirés de la jurisprudence de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature. La conduite des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. Analyse de quelques cas. - 6. La conduite du magistrat en dehors de l’exercice de ses fonctions. Illustration de quelques cas. Responsabilité disciplinaire et responsabilité pénale. - 7. Projets de loi actuellement en discussion visant à une spécification des différentes fautes disciplinaires. - 8. Le «Code éthique» adopté par l’association italienne des magistrats. - (IV) Sanctions disciplinaires et procédures disciplinaires. - 9. Les sanctions disciplinaires prévues par les art. 19, 20 et 21 de la loi n° 511 du 31 mai 1946. Le transfère des magistrats prévu par l’article 2 de cette loi. - 10. Règles de procédure : qui peut introduire une action disciplinaire contre un magistrat ; le procès devant la chambre disciplinaire du C.S.M. ; le pourvoi en cassation. - (V) En guise de conclusion.

 

 (I)

Droits et obligations des magistrats :

sources et définition du statut du juge et de l’éthique judiciaire

 

1. L’internationalisation des principes concernant le statut du juge et l’éthique judiciaire.

 

Le statut du juge et, en particulier, les droits et les obligations des magistrats et leur responsabilité disciplinaire réveillent de plus en plus l’attention des organismes internationaux, comme il est témoigné par les références à ces sujets qu’on retrouve dans nombre de documents, déclarations et recommandations. Les «Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature» élaborés par les Nations Unies en 1985 sont le premier acte de ce genre. L’article 2 par exemple, affirme que «Les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d’après les faits et conformément à la loi, sans restric­tions et sans être l’objet d’influences, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit». L’article 6 stipule qu’ «en vertu du principe de l’indépendance de la magistra­ture, les magistrats ont le droit et le devoir de veiller à ce que les débats judiciaires se déroulent équitablement et à ce que les droits des parties soient respectés». Selon l’article 8 les magistrats «doivent toujours se conduire de manière à préserver la dignité de leur charge et l’impartialité et l’indépendance de la magistrature».

Une section tout entière est consacrée aux mesures disciplinaires, à la suspension et à la destitution. L’article 17 sauvegarde le droit pour le juge à ce que sa cause soit «entendue équitablement» ; il stipule aussi que «la phase initiale de l’affaire doit rester confidentielle, à moins que le juge ne demande qu’il en soit autrement». Selon l’art. 19 «Dans toute procédure disciplinaire, de suspension ou de destitution, les décisions sont prises en fonction des règles établies en matière de conduite des magistrats». L’article 20, en conclusion, pose comme principe que «des dispositions appropriées doivent être prises pour qu’un organe indépendant ait compétence pour réviser les décisions rendues en matière disciplinaire, de suspension ou de destitution».

On peut retrouver des règles tout à fait semblables dans le «Statut du juge en Europe», adopté le 20 mars 1993 à Wiesbaden (Allemagne) par l’Association Européenne des Magistrats, groupe de travail de l’Union Internationale des Magistrats. L’article 2 de ce texte stipule que le juge «ne doit être influencé ni par les partis politiques ni par des groupes de pression» et qu’il doit «remplir ses obligations professionnelles avec réserve et dans un délai raisonnable» ; l’article 3 énonce que «Le juge doit être impartial et apparaître impartial». L’article 9 pose comme principe que «les sanctions disciplinaires à l’encontre des juges ne peuvent être prises que par un organe composé de membres issus du pouvoir judiciaire, en observant strictement des règles de procédure prédéterminées».

Plus récemment, la Recommandation n° R (94) 12 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, dresse la liste suivante des devoirs des juges (voir Principe V - responsabilités judiciaires) :

        «1. Dans les procédures, les juges ont le devoir de protéger les droits et les libertés de toute personne.

        2. Les juges ont le devoir et devraient avoir le pouvoir d’exercer leurs responsabilités judiciaires afin de s’assurer que la loi est correctement appliquée et que les affaires sont traitées équitablement, efficacement et rapidement.

        3. Les juges devraient en particulier assumer les responsabilités suivantes :

                a. agir dans toutes les affaires en toute indépendance et à l’abri de toute influence extérieure ;

                b. statuer sur les affaires de manière impartiale conformément à leur propre évaluation des faits et à leur interprétation de la loi, s’assurer que toutes les parties sont entendues équitablement et que les droits procéduraux des parties sont respectés conformément aux dispositions de la Convention ;

                c. s’abstenir de juger une affaire ou renoncer à agir lorsqu’il existe des justes motifs et uniquement dans ce cas. De tels motifs devraient être définis par la loi et peuvent concerner, par exemple, de graves problèmes de santé, l’existence d’un intérêt personnel en la matière ou l’intérêt de la justice ;

                d. s’il y a lieu, expliquer de manière impartiale aux parties certaines questions de procédure ;

                e. le cas échéant, encourager les parties à aboutir à un règlement amiable ;

                f. sauf si la loi ou la pratique établie en disposent autrement, motiver leur jugement clairement et complètement en utilisant des termes facilement compréhensibles ;

                g. suivre toute formation nécessaire à l’exercice de leurs fonctions de manière efficace et adéquate».

Le principe VI, qui s’occupe des mesures disciplinaires, recommande que les violations relevant du point de vue de l’éthique des magistrats soient jugées par «un organe compétent spécial chargé d’appliquer les sanctions et mesures disciplinaires, lorsqu’elles ne sont pas examinées par un tribunal, et dont les décisions devraient être contrôlées par un organe judiciaire supérieur, ou qui serait lui-même un organe judiciaire supérieur».

 

2. Ethique judiciaire et discipline judiciaire : sont-elles vraiment en conflit ?

 

Nombreux spécialistes de la matière tendent aujourd’hui à séparer l’éthique des règles disciplinaires. A leur avis l’éthique devrait être une branche de la morale qui s’occupe des devoirs moraux et professionnels qu’un magistrat doit observer vis-à-vis du public, des avocats et de ses collègues. Bien évidemment cette définition s’applique aussi à la discipline, mais l’éthique devrait se conformer à des valeurs morales plutôt qu’à des règles écrites. Elle devrait renvoyer au cas de conscience, à ce qui est «estimé bon», mais ne sera jamais codifié ni codifiable ; la discipline, par contre, devrait comprendre ce qui est imposé de l’extérieur et qui appartient au domaine du droit[1].

Personnellement je suis d’avis que, en tant que juristes et magistrats, nous sommes obligés de respecter davantage le système de lois qui nous gouverne. Ceux qui, comme nous, exercent une profession légale (et non philosophique ou religieuse) ne peuvent attribuer à l’éthique judiciaire autre signification que celle qui résulte des principes de la discipline judiciaire contenus dans les statuts qui règlent cette matière. Cela vaut particulièrement pour les magistrats italiens, puisque la Constitution de mon pays établit de façon très claire que «les magistrats ne sont sujets qu’à la loi» (art. 101).

J’ai parlé de ce sujet pour mieux Vous présenter les particularités de l’éthique judiciaire en Italie, qui - à mon avis - peut bien être prise en exemple, dans ses aspects positifs et négatifs, afin d’illustrer un système assez complexe de responsabilité disciplinaire des magistrats. En effet, le corps judiciaire de mon pays a aujourd’hui un «Code éthique». Mais ces règles, rédigées par l’association des magistrats italiens, ne font pas partie d’une loi, même si elles sont destinées à influencer l’application des règles disciplinaires fixées par la loi. La situation paradoxale de mon pays peut être expliquée comme il suit : l’Italie n’a pas un code législatif d’éthique judiciaire ; elle a pourtant un code qui n’a aucun effet contraignant. Aujourd’hui les dispositions contraignantes concernant cette matière sont contenues dans de nombreux textes législatifs ; des règles très importantes ont été élaborées aussi par la jurisprudence de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Maintenant, afin d’expliquer la complexité du système italien, j’aimerais esquisser brièvement l’évolution des principes de la responsabilité disciplinaire dans mon pays.

 

 

(II)

La responsabilité disciplinaire des magistrats en Italie :

aperçu historique et principes fondamentaux

 

3. Aperçu historique de la responsabilité disciplinaire des magistrats en Italie.

 

Dans l’Italie du Moyen Age, à l’époque des libres communes, les juges étaient des citoyens d’autres villes, appelés pour administrer la justice à cause de leur neutralité et de leurs capacités professionnelles en tant que juristes. Ils étaient considérés comme des personnes exerçant une profession libérale, plutôt que des fonctionnaires. Leur responsabilité constituait un exemple typique de responsabilité professionnelle, souvent comparée à celle des médecins. Leurs fautes professionnelles et, le cas échéant, les violations des lois, aussi bien que les épisodes de corruption, étaient jugés et sanctionnés par des cours spéciales, à travers des procès appelés actiones de syndicatu (jugements de contrôle), où les plaintes pouvaient être portées par tout citoyen[2].

Ce système changea de façon radicale avec l’avènement des seigneuries et des grands royaumes centralisés, où l’actio de syndicatu devint un instrument de contrôle dans les mains des souverains, qui réclamaient le pouvoir de nommer les syndacatores, c’est-à-dire les juges qui auraient dû juger les juges. Cet âge marqua le passage du modèle de la responsabilité professionnelle à celui de la responsabilité disciplinaire, qui allait souligner la nouvelle situation de subordination des magistrats au pouvoir politique[3].

On peut remarquer très bien ce changement, par exemple, dans l’Europe centrale, où l’Empereur d’Autriche envoie ses «juges visiteurs» porter l’action de syndicatu (Syndikatsklage) contre les juges qui ont commis une faute disciplinaire. Ce processus historique atteint son apogée en Prusse au temps de Frédéric le Grand[4]. Le Codex Marchicus (1749), d’abord, et le Allgemeine Gerichtsordnung für die Preußischen Staaten (1781), ensuite, contiennent un code disciplinaire très strict, qui énumère en détail les devoirs du «bon juge» et les sanctions disciplinaires, en mettant en évidence que le statut du juge est désormais celui d’un fonctionnaire de carrière loyal au trône[5].

En France aussi l’instrument de la «prise à partie», créé par les parlements afin de permettre aux citoyens de porter plainte contre un juge malhonnête, est amplement employé par le pouvoir royal comme un moyen de contrôle disciplinaire[6].

Mais ce n’est qu’avec Napoléon que ce processus de bureaucratisation du corps judiciaire est accompli. Sa loi du 20 avril 1810 (Loi sur l’organisation de l’ordre judiciaire et l’administration de la justice) stipule que les juges sont nommés par le gouvernement et qu’ils font partie d’un ordre structuré de façon hiérarchique. L’instrument principal de contrôle est une disposition tout à fait générale par laquelle le juge sera responsable s’il «compromettra la dignité de son caractère»[7]. Je voudrais attirer Votre attention sur cette formulation, puisqu’elle est pratiquement identique à celle que nous retrouvons aujourd’hui en Italie comme le fondement de la responsabilité disciplinaire.

Le statut du juge dressé par Napoléon est en effet très semblable à celui qu’on retrouve dans les différents états d’Italie avant l’unification de 1861. C’est exactement le cas du royaume de Piémont et Sardaigne[8], dans lequel deux lois différentes : la «loi Siccardi» (n° 1186 du 19 mai 1851) et la «loi Rattazzi» (n° 3781 du 13 novembre 1859) donnaient au corps judiciaire la même structure hiérarchique et bureaucratique existant en France. Dans l’article 19 de la loi Siccardi nous trouvons à peu près la même phrase de la législation napoléonienne («compromettre la dignité de son état»). Après l’unification d’Italie cette disposition est insérée dans la loi sur le pouvoir judiciaire (n° 2629 du 6 décembre 1865), dont l’article 213 établit que le juge sera responsable s’il «compromettra de toute façon sa dignité ou la considération dont un juge doit jouir, ou s’il violera les devoirs de sa fonction». Ce sont à peu près les mots que nous retrouvons dans la «loi Orlando» de 1908, qui pourtant essaie, pour la première fois, de donner une liste détaillée des fautes disciplinaires[9].

Après la prise du pouvoir par les fascistes en 1922 la «loi Oviglio» du 30 décembre 1923 revient au système napoléonien, en abandonnant l’énumération détaillée des fautes disciplinaires : ce qui montre que les dictatures préfèrent des dispositions disciplinaires générales et vagues. Maintenant le juge est responsable s’il «manque à ses devoirs et s’il se conduit, soit dans l’exercice de ses fonctions, soit en dehors de celles-ci, de façon à se rendre indigne de la confiance et de l’estime dont un juge doit jouir, ou bien lorsqu’il met en danger le prestige de l’ordre judiciaire».

Nous retrouvons avec surprise la même formule encore dans la loi n° 511 du 31 mai 1946, qui, après la chute du fascisme a été approuvée afin de sauvegarder l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les dispositions de cet acte sont encore en grande partie en vigueur aujourd’hui, même si elles sont plus anciennes que notre Constitution.

 

4. Références à la responsabilité disciplinaire des magistrats dans la Constitution italienne. La source principale de la responsabilité disciplinaire des magistrats en Italie : la loi n° 511 du 31 mai 1946 et ses principes fondamentaux.

 

La Constitution italienne, qui est entrée en vigueur le 1 janvier 1948, ne prévoit aucun code d’éthique judiciaire. Dans ses treize articles (du 101 au 113) consacrés au pouvoir judiciaire, deux seulement traitent, de façon assez vague, de cette matière.

Le premier (art. 105) concerne les attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature (Consiglio Superiore della Magistratura - C.S.M.). Il dit que, parmi ses fonctions, le C.S.M. s’occupe des procédures disciplinaires contre les magistrats. L’article 107 de la même Constitution établit que le ministre de la justice a le pouvoir d’entamer les procédures disciplinaires contre les magistrats. Le Conseil Supérieur est un organe indépendant prévu par la Constitution afin de sauvegarder l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir politique (séparation des pouvoirs). Il sera bien de rappeler, à ce point, que dans le système italien, ainsi que d’autres systèmes continentaux, l’expression «pouvoir judiciaire» comprend aussi les membres du ministère public. Juges et procureurs sont recrutés de la même façon, font partie du même corps et sont soumis au même statut. Par conséquent, le C.S.M. représente et administre les environs 8.000 magistrats italiens du siège et du parquet.

Avant la Constitution républicaine, tout l’ensemble des activités qui peuvent être définies comme «l’administration de la juridiction» était assigné à la branche exécutive, qui exerçait ces fonctions soit directement soit à travers les chefs de juridictions, qui étaient sous ce point de vue explicitement attachés au ministre de la justice par un lien hiérarchique. Pour isoler l’ordre judiciaire de toute influence politique, la Constitution a donc coupé presque tous les liens entre l’ordre judiciaire et les autres pouvoirs de l’Etat.

On a ainsi réservé au C.S.M. la tâche d’administrer toutes les mesures relatives au statut du magistrat et susceptibles d’interférer avec ses garanties d’indépendance. Plus exactement, «le recrutement, les affectations, les mutations, les avancements et les dispositions disciplinaires» (art. 105 Const.) ont été soustraits au garde des sceaux et concentrés dans un organe qui constitue le principal, peut‑être le seul, point de ralliement institutionnel entre magistrature et système politique. Mais c’est surtout d’après la composition du Conseil qu’on peut expliquer le concept d’ «autogestion» de la magistrature. A présent le C.S.M. est formé par 33 membres, dont 3 membres de droit (respectivement le chef de l’Etat, en qualité de son président, le premier président de la cour de cassation et le procureur général auprès de la même), 20 magistrats directement élus par leurs collègues et 10 experts de matières juridiques nommés par le parlement.

Les réformes du système électif de la composante «de robe» ont d’abord réduit les postes réservées aux conseillers de cassation (2, maintenant, sur les 20 magistrats élus), qui étaient en effet sur‑représentés, tandis qu’ensuite elles ont contribué à exalter le rôle joué au sein du Conseil par les différents «courants» de l’associationnisme judiciaire. En ce qui concerne la désignation de la composante «laïque», la règle suivie jusqu’à maintenant est celle de respecter les proportions qui existent entre les divers partis politiques représentés dans le parlement, y compris l’opposition. La durée de chaque conseil est fixée à quatre ans ; les membres élus ne sont pas immédiatement rééligibles (Art. 104). La chambre disciplinaire du C.S.M. est composée par 9 membres et présidée par le vice-président du C.S.M.[10].

La source principale concernant l’éthique judiciaire en Italie est constituée par les articles 17 et 18 de la loi n° 511 du 31 mai 1946.

La première des deux dispositions établit que les magistrats «ne peuvent être soumis à des mesures disciplinaires que dans les cas prévus par cette loi et avec le respect des procédures prévues par cette même loi». La règle est indiquée comme «principe de légalité»[11].

Les situations dans lesquelles un magistrat peut être sanctionné disciplinairement sont ainsi énumérées par l’article 18 de la loi n° 511 :

1. si le magistrat «manque à ses obligations» ;

2. s’il «se conduit - soit dans l’exercice de ses fonctions, soit en dehors de celles-ci - de façon à se rendre indigne de la confiance et de l’estime dont un juge doit jouir» ;

3. s’il met en danger le prestige de l’ordre judiciaire[12].

Un tel système, qui n’est pas fondé sur une liste de fautes disciplinaires spécifiées par la loi, comporte - au même temps - avantages et inconvénients[13]. Parmi ces derniers on pourra penser à l’incertitude des magistrats, qui souvent ne savent pas comment se conduire dans une telle ou telle autre situation. De l’autre côté il ne faut pas oublier que cette règle permet à la chambre disciplinaire du C.S.M. d’exprimer un jugement d’ensemble de la situation.

Pour citer un exemple il faut penser au fait que nous avons un certain délai pour déposer la motivation des jugements, après qu’ils ont été délibérés. La chambre disciplinaire du C.S.M. a établi que des retards dans le dépôt des motivations des jugements peuvent être justifiés par la grande quantité du travail accompli par le magistrat inculpé, par des conditions de santé, ou par le manque de personnel auxiliaire ou de collègues. Autrement dit : le C.S.M. peut exprimer un jugement d’ensemble sur la personnalité du magistrat incriminé et sur la situation dans laquelle une faute disciplinaire a été commise.

Cet exemple Vous montre immédiatement l’importance de la jurisprudence disciplinaire du C.S.M., qui a interprété et appliqué ces principes généraux et vagues pendant presque quarante années.

 

 

 

 (III)

Obligations des magistrats et fautes disciplinaires dans le système juridique italien

 

5. Principes d’éthique judiciaire tirés de la jurisprudence de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature. La conduite des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. Analyse de quelques cas.

 

Conformément aux dispositions de la loi, la jurisprudence disciplinaire du C.S.M. trace une distinction entre la conduite du magistrat dans l’exercice de ses fonctions et en dehors de celles-ci[14]. En ce qui concerne le premier genre de situations, cinq obligations principales ont été déterminées par le juge disciplinaire : correction, diligence, activité, réserve, impartialité. Je vais Vous donner maintenant quelques exemples concernant chacune de ces obligations.

 

(a) Atteintes à l’obligation de correction :

1. - avoir falsifié des données des statistiques judiciaires officielles afin de montrer que les délais pour le dépôt des motivations des jugements avaient été respectés[15] ;

2. - n’avoir pas dénoncé des tentatives de corruption : dans un cas le magistrat avait reçu un pot de vin, mais il avait tout de suit restitué l’argent, sans dénoncer pourtant la personne qui avait accompli cette tentative[16] ; dans un autre cas un substitut procureur avait refusé des pots de vin offert par les parents d’une personne qu’il avait mis en examen et fait arrêter, mais il n’avait pas prévenu le procureur de la République[17] ;

3. - avoir entretenu des relations d’amitié étroite avec des délinquants bien connus ou avec des membres de la mafia[18] ;

4. - avoir copié les actes des avocats dans la motivation de ses propres jugements[19] ;

5. - avoir accepté des cadeaux de l’une ou de l’autre des parties dans une affaire traitée par ce magistrat[20] ;

6. - avoir contracté des dettes avec une des parties, même si ces dettes ont été régulièrement payées par le magistrat[21] ;

7. - avoir contracté des dettes avec un avocat, sans les avoir payées après deux ans et après une requête par écrit de la part de l’avocat[22] ;

8. - avoir manifesté, dans sa qualité de ministère public au cours d’une audience, des remarques graves et diffamatoires sur la correction professionnelle d’un avocat[23].

Voila maintenant quelques cas où aucune violation du devoir de correction n’a été retenue :

1. - demander à un collègue du ministère public des informations sur l’état d’une enquête criminelle, sans pourtant essayer d’interférer dans ses décisions[24] ;

2. - protester publiquement contre la mutation d’un officier de police judiciaire à un autre poste[25].

 

b) Atteintes à l’obligation de diligence :

1. - avoir émis un mandat d’arrestation pour un délit qui a été amnistié par la loi[26] ;

2. - avoir signé des arrêts en blanc, après avoir donné à copier à sa secrétaire le brouillon de la décision[27] ;

3. - avoir commencé les audiences toujours en retard[28].

 

c) Atteintes à l’obligation d’activité :

1. - avoir plusieurs fois retardé le dépôt des motivations des jugements, à moins que le retard ne soit justifié par la grande quantité de travail accomplie ou par des raisons graves de famille ou de santé[29] ;

2. - n’avoir tenu que 26 audiences en matière civile et 8 audiences en matière pénale pendant une période de trois ans et n’avoir rendu, dans la même période, que 43 jugements en matière civile et 99 en matière pénale[30] ;

3. - avoir rendu «seulement» 24 jugements en matière civile et 32 en matière pénale dans une période de six mois[31] ;

 

d) Atteintes à l’obligation de réserve :

1. - avoir manifesté dans la presse des avis fortement critiques sur des procès encore couverts par le secret d’instruction[32] ;

2. - avoir manifesté des avis fortement critiques sur l’activité de collègues[33], à moins que ces commentaires soient limités à la juridiction du magistrat qui les a faits, sans être rendus publics[34] ;

3. - avoir déclaré à la presse, en sa qualité de substitut procureur, que le chef procureur avait essayé de classer une enquête importante contre un homme d’affaire, lorsqu’on est pas arrivé à prouver que ces faits étaient vrais[35].

4. - avoir appelé des journalistes pour rendre publique sa propre activité d’investigation, en prétendant d’avoir été le premier procureur à avoir traité une affaire de ce genre et en soutenant d’avoir été entravé par ses collègues[36].

5. - avoir convoqué une conférence de presse afin de manifester des commentaires négatifs sur l’activité déployée par un collègue, qui avait mené auparavant la même enquête[37] ;

 

e) Atteintes à l’obligation d’ impartialité :

1. - avoir favorisé certains experts du tribunal, en s’adressant seulement à eux pour les expertises et en leur liquidant des honoraires exagérés[38] ;

2. - avoir choisi dans un cas des membres de sa propre famille en tant qu’experts[39] ;

3. - avoir reçu de l’argent d’un prévenu afin d’exprimer un avis favorable sur la demande adressé par le prévenu au juge d’instruction de bénéficier d’un sursis[40] ;

4. ne s’être pas abstenu dans une affaire, lorsqu’il y avait conflit d’intérêt[41].

 

Les problèmes les plus difficiles, dans ce genre de jurisprudence, sont posés par le risque d’interférence avec la liberté de décision des magistrats[42]. Il est évident qu’il faut absolument éviter que le juge disciplinaire porte une appréciation sur les actes juridictionnels.

La règle générale que la chambre disciplinaire du C.S.M. paraît suivre peut être résumée comme il suit : un magistrat ne peut subir aucune sanction disciplinaire simplement à cause du fait qu’il a décidé une affaire d’une certaine façon. Néanmoins, il arrive parfois que cette règle soit limitée par le juge disciplinaire. Par exemple :

1. - lorsque le magistrat déclare ouvertement qu’il n’appliquera pas la loi[43] ;

2. - lorsque le magistrat fait des évidentes erreurs dans l’application de la loi[44], à moins que sa conduite professionnelle, en général, puisse être considérée comme satisfaisante[45], ou que l’erreur puisse être justifiée par le surcharge de travail du magistrat concerné ou par la complexité du cas, à condition que l’erreur ne produise aucune conséquence irréparable[46] ;

3. - lorsque le magistrat, dans la motivation d’un arrêt dans une affaire pénale, fait des observations diffamatoires concernant des personnes non directement concernées par cette affaire[47].

La façon dont un magistrat organise son travail ne peut être mise en discussion que lorsqu’elle apparaît déraisonnable : ainsi, la priorité donnée à certaines affaires plutôt qu’à des autres ne peut pas être censurée, à moins qu’elle apparaisse de façon évidente irrationnelle et qu’elle viole des droits fondamentaux, comme le droit à la liberté personnelle[48].

 

6. La conduite du magistrat en dehors de l’exercice de ses fonctions. Illustration de quelques cas. Responsabilité disciplinaire et responsabilité pénale.

 

a) En ce qui concerne la conduite sexuelle d’un magistrat, une évolution radicale s’est produite pendant ces dernières trente années. Au début des années soixante toute affaire extra conjugale était en soi même un manquement éthique[49] ; la chambre disciplinaire du C.S.M. avait souvent établi qu’un magistrat devait rendre sa vie intime et privée conforme aux principes d’une stricte austérité[50].

Aujourd’hui la conduite sexuelle des magistrats est, du point de vue disciplinaire, absolument insignifiante, à moins qu’elle influence de quelque façon l’exercice des devoirs d’un magistrat[51]. On peut même lire dans une décision que «le juge disciplinaire n’entre pas dans la maison d’un magistrat, ni doit-il interférer dans la vie privée de celui-ci»[52].

 

b) L’absence de correction en dehors de l’exercice des fonctions est punie non seulement dans le cas de violations de la loi, comme par exemple lorsqu’un magistrat possède des armes à feu sans les avoir déclarées à l’autorité de police compétente[53], mais aussi lorsqu’un magistrat essaye d’obtenir des faveurs en exploitant sa position afin de recevoir, par exemple, des billets de théâtre gratuits ou d’obtenir des rabais consistants dans des magasins[54], ou lorsqu’il exerce des pressions sur la police municipale afin d’éviter de payer une contravention[55], ou bien sur le directeur d’une banque afin de le persuader à faire crédit à un de ses amis qui a été mis en examen pour des crimes de mafia[56].

 

c) Tout emploi, privé ou public, à plein ou mi-temps, est (généralement) interdit. L’art. 16 de la loi n° 12 du 30 janvier 1941 - qui est encore en vigueur aujourd’hui - interdit aux magistrats d’avoir toute forme d’emploi, public ou privé, à plein ou mi-temps, et d’exercer toute profession libérale, ou n’importe quelle activité d’entreprise.

La chambre disciplinaire du C.S.M. a fait application de cette règle, par exemple, à des magistrats qui avaient travaillé comme conseils pour des avocats ou pour des ingénieurs[57], ou qui avaient agi comme administrateurs de sociétés[58].

Par contre, publier des articles dans la presse est considéré légal[59]. Abstraction faite des interdictions qu’on vient de mentionner, tout autre sorte d’activité extra-juridictionnelle (par exemple : contrat annuel en tant que professeur auprès d’une université) doit être autorisée par le C.S.M.[60]

 

d) En ce qui concerne l’activité politique un magistrat peut bien évidemment exprimer en public son point de vue[61] ou prendre part à une rencontre électorale[62], mais il ne peut pas prendre activement part à une campagne électorale[63], à moins qu’il ne se présente comme candidat[64].

L’inscription à un parti politique, à ce moment, n’est pas interdite. Différents projets de loi ont été présentés au parlement dans cette matière, mais aucun d’eux n’a jamais été approuvé[65]. Le code éthique des magistrats adopté par l’association italienne (art. 8) interdit aux magistrats - quoique de façon indirecte et par des expressions assez contournées - de s’inscrire aux partis politiques, mais, comme on le verra tout à l’heure, ces dispositions n’ont pas la force d’une loi et ne peuvent influencer que d’une façon indirecte la jurisprudence disciplinaire.

Les magistrats peuvent se faire élire au parlement, mais ils sont automatiquement suspendus de leurs fonctions pour la période dans laquelle ils exercent les fonctions législatives. Ils ne peuvent pas être élus dans la même circonscription dans laquelle ils ont exercé leurs fonctions jusqu’à six mois avant d’accepter leur candidature. Après avoir achevé leur mandat parlementaire ils peuvent retourner à exercer leurs fonctions. Les magistrats qui se sont présenté comme candidats mais qui n’ont pas été élus ne peuvent pas exercer leurs fonctions pour au moins cinq ans dans la même circonscription dans laquelle ils se sont présentés comme candidats[66].

 

e) Une question qui a été très débattue au cours de ces dernières années concerne l’appartenance à une loge franc-maçonnique. Le problème a éclaté au début des années quatre-vingts, lorsqu’on avait découvert qu’une particulière loge, appelée P2, avait mené des activités illicites pendant plusieurs années. Les magistrats qui avaient fait partie de cette loge ont été soumis à des sanctions disciplinaires, parce que la chambre disciplinaire du C.S.M. avait retenu que cette loge était une association secrète, en évidante violation de l’article 18 de notre Constitution[67].

Le problème restait ouvert pour l’inscription à la «normale» franc-maçonnerie. Le 22 mars 1990 l’assemblée plénière du C.S.M. a émis une déclaration interdisant aux magistrats :

a) de s’inscrire aux associations interdites par la loi ;

b) de faire aussi partie:

           b 1) d’associations dans lesquelles la loyauté à l’organisation pourrait être ressentie par le magistrat comme plus forte que la loyauté à la Constitution ou aux obligations d’impartialité et d’indépendance et

           b 2) d’associations dont l’appartenance pourrait mettre en danger la confiance des citoyens dans la crédibilité du magistrat[68].

Le 11 novembre 1994 la chambre disciplinaire du C.S.M. a infligé une sanction disciplinaire à un magistrat à cause de son appartenance à une loge en affirmant que les liens de la solidarité franc-maçonnique, soulignés par le serment solennel de fidélité, sont incompatibles avec la loyauté qu’un magistrat ne doit qu’à la loi.

 

f) En ce qui concerne les rapports entre responsabilité disciplinaire et responsabilité pénale, il faut dire que, jusqu’à 1990, un magistrat qui avait été condamné au cours d’un procès pénal à cause de certains graves délits était automatiquement expulsé de la magistrature. L’article 9 de la loi n° 19 du 7 février 1990 affirme maintenant que la responsabilité disciplinaire des magistrats, ainsi que pour les fonctionnaires de l’état, est tout à fait indépendante de la responsabilité pénale[69]. Par conséquent, même si un magistrat a été condamné pour meurtre avec préméditation il sera toujours nécessaire d’introduire une procédure disciplinaire contre lui pour l’obliger de cesser ses fonctions.

La chambre disciplinaire du C.S.M. peut, au cours de l’enquête disciplinaire, suspendre le magistrat incriminé de ses fonctions et de son salaire ; cette suspension est obligatoire lorsque le magistrat a été arrêté[70].

 

7. Projets de loi actuellement en discussion visant à une spécification des différentes fautes disciplinaires.

 

Comme on vient de l’expliquer, plusieurs documents et déclarations issus par des organismes internationaux soulignent la nécessité que toutes les fautes disciplinaires soient clairement identifiées et spécifiées par la loi. Par exemple, les «Principes fondamentaux sur l’indépendance du pouvoir judiciaire» des Nations Unies (1985) prévoient que «Dans toute procédure disciplinaire, de suspension ou de destitution, les décisions sont prises en fonction des règles établies en matière de conduite des magistrats» (art. 19). De façon encore plus évidente le statut du magistrat récemment adopté par le groupe de travail Ibéro-Américain de l’Union Internationale des Magistrats établit que «Les faits constituant infraction disciplinaire des juges devront être typifiés concrètement par la loi».

La législation actuelle en Italie ne remplit pas cette condition. Par ailleurs, notre cour constitutionnelle a établi que ce système n’est pas inconstitutionnel[71] : donc il faudra attendre que le Législateur change cet état de choses. Plusieurs projets de loi ont été présentés et discutés devant le parlement italien afin de spécifier de façon analytique les différentes fautes disciplinaires. Aucun de ces projets n’est jamais devenu loi.

Le dernier de ces projets vient d’être présenté (le 11 septembre 1996) au sénat par le ministre de la justice ; il paraît qu’il ait de bonnes chances qu’il soit approuvé par le parlement. Dans ce projet tous les devoirs élaborés par la jurisprudence disciplinaire du C.S.M. (correction, diligence, activité, réserve, impartialité) sont maintenant proclamés de façon explicite (art. 1). Le projet fait une distinction parmi les fautes disciplinaires commises dans l’exercice des fonctions de magistrats (art. 2) et celles commises en dehors de l’exercice de ses fonctions (art. 3). Dans la première catégorie on peut repérer :

1. atteintes au devoir d’impartialité (par exemple, ne pas se déporter dans une affaire ou le magistrat se trouve en conflit d’intérêt) ;

2. atteintes au devoir de correction dans les rapports avec les parties du procès, leurs avocats, les témoins, les collègues (par exemple interférer dans les activités d’un autre magistrat) ;

3. violations de la loi dues à faute grave ;

4. manquement à l’obligation de motiver les décisions pour lesquelles une motivation par écrit est requise par la loi, ou rédaction d’une motivation qui ne mentionne pas les éléments de fait desquels l’application de la loi dépend (motivation apparente) ;

5. retards répétés, graves ou non justifiés dans l’accomplissement des devoirs du magistrat ; toute autre grave atteinte au devoir d’activité ;

6. violation des secrets d’instruction, ou toute autre atteinte au devoir de réserve ;

7. manquements liés à la responsabilité particulière des chefs de juridictions (par exemple : manquement au devoir de rapporter aux organes compétents les fautes disciplinaires commises par les magistrats de leurs respectives juridictions) ;

  

   En ce qui concerne la conduite des magistrats en dehors de leurs fonctions on peut mentionner les interdictions suivantes :

8. exploiter sa qualité de magistrat afin d’obtenir des avantages injustifiés ;

9. entretenir des relations amicales avec des prévenus dans une affaire pénale traitée par ce magistrat ou avec une personne qui ait été condamnée pour avoir commis des graves délits ;

10. s’engager dans des activités extra-juridictionnelles sans l’autorisation du C.S.M. ;

11. exprimer en public son approbation ou son désaccord sur des décisions de collègues afin d’interférer dans leurs activités ;

12. toute autre comportement public qui puisse mettre en danger la crédibilité du pouvoir judiciaire.

En un mot, ce projet de loi prouve, lui aussi, que tout effort de spécifier les différentes fautes disciplinaires est destiné à échouer, du moment qu’il apparaît difficile que le Législateur renonce a des dispositions générales et vagues comme «mettre en danger», ou «prestige», ou encore «crédibilité du pouvoir judiciaire», etc.[72]

 

8. Le «Code éthique» adopté par l’association italienne des magistrats.

 

En 1993, sur délégation du parlement, le gouvernement italien a publié un décret, selon lequel toutes les branches de l’administration de l’état devraient se doter de codes éthiques «afin d’assurer des standards de haut niveau pour les services aux citoyens». Le comité directif central de l’association italienne des magistrats a ainsi approuvé le 7 mai 1994 un «Code éthique des magistrats»[73] qui - comme on vient de remarquer - ne fait pas partie d’une loi approuvée par le parlement et par conséquent n’en a pas la même force. De surcroît, ce décret législatif de 1993 doit être considéré comme inconstitutionnel, parce que toute matière concernant le statut du juge ne peut être réglée que par la loi, selon l’article 102 de notre Constitution. Pourtant, c’est incontestable que ce code va influencer, d’une façon ou d’une autre, l’application des règles disciplinaires prévues par la loi.

Ce «Code Ethique» est divisé en trois parties : a) Principes généraux ; b) Indépendance, impartialité, correction ; c) Conduite des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. Ici on retrouve encore une fois une définition des obligations d’un «bon magistrat», avec des expressions du genre : dignité, correction, sensibilité pour l’intérêt public, indépendance, impartialité, rejet de toute interférence extérieure, diligence, activité.

Mais on peut aussi y trouver quelques unes des «nouvelles frontières» de l’éthique judiciaire, comme dans l’article 3, qui affirme[74] que les magistrats «gardent et accroissent le patrimoine de leur professionnalisme» et qu’ils «se mettent au courant des nouveautés et des développements concernant les secteurs de leur activité». Un autre sujet qui aujourd’hui est ressenti comme très délicat est celui des relations avec la presse et les autres média. Un article entier (art. 6) est consacré à cette matière, en soulignant trois points fondamentaux : a) le magistrat ne doit pas provoquer la diffusion de nouvelles concernant son activité ; b) le magistrat doit garder le secret prévu par la loi sur les faits dont il a connaissance à cause de l’exercice de ses fonctions ; c) lorsqu’aucun secret n’existe, le magistrat doit assurer qu’une information correcte soit donnée, en évitant de préjuger l’honneur et la réputation des citoyens.

En ce qui concerne la conduite privée des magistrats, il est interdit de s’inscrire à toute association qui demande un serment solennel de fidélité ou qui puisse être considérée comme secrète (art. 7) : la référence à la maçonnerie est évidente, même si elle n’est pas explicité. Le magistrat ne doit pas seulement être impartial, mais aussi apparaître comme tel (art. 10). Les deux derniers articles du texte sont consacrés, respectivement, aux devoirs des magistrats du ministère public (art. 13) et aux obligations des chefs des juridictions (art. 14).


(IV)

Sanctions disciplinaires et procédures disciplinaires

 

9. Les sanctions disciplinaires prévues par les art. 19, 20 et 21 de la loi n° 511 du 31 mai 1946. Le transfère des magistrats prévu par l’article 2 de cette loi.

 

Les sanctions disciplinaires prévues par les art. 19, 20 et 21 de la loi n° 511 du 31 mai 1946 sont les suivantes :

a) avertissement,

b) réprimande,

c) perte d’ancienneté,

d) expulsion ou destitution.

La loi ne contient aucune indication concernant la mesure qui doit concrètement être appliquée pour chaque faute disciplinaire. Quelques principes ont été esquissés par la chambre disciplinaire du C.S.M. Par exemple, il a été décidé qu’une précédante sanction disciplinaire infligée au même magistrat et pour la même faute pouvait entraîner, la fois suivante, une sanction plus lourde[75].

Lorsque la chambre disciplinaire du C.S.M. inflige la censure ou la perte d’ancienneté elle peut aussi transférer le magistrat à une autre juridiction (art. 21 de la loi n° 511). C’est un des très rares cas où le magistrat peut être transféré sans son consentement.

En dehors des cas qu’on vient de mentionner, les magistrats peuvent être transférés par le C.S.M. aussi lorsqu’ «à cause de n’importe quelle raison, et même sans aucune faute de leur part, ils ne peuvent plus exercer leurs fonctions dans leur poste de façon compatible avec le prestige du corps judiciaire» (art. 2, loi n° 511). Il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire, comme il est rendu évident par le fait que la loi ne suppose qu’une «incompatibilité objective» du magistrat avec l’ «ambiance» sociale, culturelle, ou de travail dans laquelle il exerce ses fonctions. C’est pour cela que la décision n’est pas adoptée par la chambre disciplinaire, mais par l’assemblée plénière du C.S.M. sur proposition d’une commission, dont la tâche est celle d’enquêter sur l’affaire et d’écouter le magistrat concerné.

 

10. Règles de procédure : qui peut introduire une action disciplinaire contre un magistrat ; le procès devant la chambre disciplinaire du C.S.M. ; le pourvoi en cassation.

 

Dans le système juridique italien les procédures disciplinaires peuvent être entamées soit par le procureur général auprès de la cour de cassation, soit par le garde des sceaux. Une direction spéciale du ministère de la justice s’occupe de l’inspection générale des services judiciaires et est chargée de contrôler le fonctionnement des juridictions. Une inspection peut être ordonnée à chaque instant par le ministre de la justice dans n’importe quel tribunal, dans une chambre de celui-ci, ou bien dans un bureau du parquet, afin de recueillir des informations sur ce bureau et, le cas échéant, d’entamer une procédure disciplinaire. Récemment, quelques inspections ordonnées par un ministre de la justice dans le parquet de Milan ont soulevé des graves critiques, parce qu’elles ont été ressenties comme une interférence dans des enquêtes délicates[76]. Le garde des sceaux a le pouvoir de classer une affaire disciplinaire sans donner pour cela aucune motivation (on parle à ce sujet d’une «opportunité des poursuites disciplinaires») : cela signifie pratiquement que le ministre n’a pas le pouvoir de condamner un magistrat, mais qu’il a le pouvoir de l’acquitter[77].

La procédure est entamée par une requête formelle présentée au C.S.M. par une des deux autorités qu’on vient de mentionner. Les procédures doivent être entamées dans un an à partir du moment où les faits qui justifient la proposition de la poursuite ont été connus par un des deux sujets qui peuvent entamer celle-ci. Sans quoi, l’action disciplinaire tombe en prescription.

Le magistrat mis en cause doit recevoir un acte contenant la spécification des faits dont il est accusé. L’enquête est menée par le bureau du procureur général auprès de la cour de cassation, qui peut demander que la chambre disciplinaire fixe la date pour le débat à huis clos ou bien qu’un membre de cette chambre mène une enquête avant le procès. Le magistrat incriminé peut se défendre par soi même ou bien se faire assister par l’un de ses pairs, qui jouera le rôle de l’avocat. Le décret par lequel le président de la chambre disciplinaire fixe la date de l’audience à huis clos doit être notifié au magistrat incriminé dans un an à partir du moment où la procédure a été entamée. A cette procédure s’appliquent les règles de la procédure pénale.

La chambre disciplinaire est composée par 9 membres du C.S.M. Elle est présidée par le vice-président du C.S.M. ; des autres 8 membres 2 doivent être choisi entre les membres «laïques» élus par le parlement, 1 entre les juges de la cour de cassation et 5 entre les autres membres «de robe», élus par les magistrats (art. 1, loi n° 1 du 3 janvier 1981 et art. 3, loi n° 65 du 22 novembre 1985).

La décision doit être rendue dans deux ans à partir du jour où le magistrat a reçu la notification du décret fixant la date pour l’audience, sans quoi l’action disciplinaire tombe en prescription. Le magistrat mis en cause peut demander néanmoins que la procédure soit définie dans le fonds par un arrêt.

Après que le procès a commencé et jusqu’au moment de la décision finale, la chambre disciplinaire peut adopter des mesures provisoires. Ces mesures consistent dans la possibilité que le magistrat incriminé soit suspendu de ses fonctions et de son salaire (art. 31, loi n° 511 du 31 mai 1946). Cette mesure est prise normalement lorsque le magistrat est accusé d’avoir commis des fautes très graves ou s’il y a déjà des éléments de preuve lourds contre celui-ci[78].

Afin d’obtenir une meilleure protection de l’indépendance du pouvoir judiciaire l’article 17 de la loi n° 195 du 24 mai 1958 (la loi qui règle le fonctionnement du C.S.M.) prévoit que toute décision disciplinaire puisse être attaquée par un pourvoi en cassation, qui sera décidé par les chambres civiles réunies de cette cour. La décision du C.S.M. ne peut être attaquée qu’à cause de violation de la loi et non à cause d’erreurs sur le fond du jugement[79]. Le délai pour la proposition du pourvoi en cassation est de 60 jours. Le pourvoi peut être présenté soit par le magistrat condamné, soit par le procureur général auprès de la cour de cassation, soit par le ministre de la justice (ces deux derniers, bien évidemment, en cas d’acquittement du magistrat). La présentation du pourvoi suspend l’application de la mesure disciplinaire.

 


(V)

En guise de conclusion

 

Quelques remarques finales. Même dans des systèmes appartenant, comme le mien, au droit continental, le pouvoir du juge dans l’activité d’interprétation et d’application des lois est immense. La constante présence dans les textes - même dans les plus parfaits sur le plan de la technique législative - de principes généraux tels que «bonne foi», «diligence», «ordre public», «bonnes mœurs», etc. (cf. par exemple les art. 1175, 1176, 1343, 1375 du code civil italien ; les art. 1133 et 1134 du code Napoléon ; les paragraphes 138 et 242 du code civil allemand) donne à un juge italien, français ou allemand des facultés qui, sur ce point, ne s’éloignent pas des pouvoirs dont nos collègues anglais disposent lorsque, pour citer un exemple, on leur demande de modifier un contrat entre époux séparé ou divorcé compte tenu de ce qui «peut apparaître (...) juste ayant regard à toutes les circonstances» : cf. les sections 21, 24 et 35 (1) du Matrimonial Causes Act (1973)[80].

Le même principe vaut pour une énorme quantité de concepts et principes juridiques «flous», qu’on trouve de plus en plus dans nos législations et qui nous engagent dans une activité qui a toujours davantage à voir avec la création de ce que notre cour constitutionnelle aime appeler le «droit vivant» (il diritto vivente). C’est une constatation qu’on retrouve partout. Ainsi, par exemple, le président de la cour constitutionnelle d’Allemagne Mme Jutta Limbach, en s’adressant à nos collègues d’outre-Rhin, a remarqué que «La décision du juge n’est pas seulement un processus cognitif, mais elle est aussi toujours un procédé de création du droit»[81].

Voilà pourquoi, si nous voulons que ce processus créatif reste toujours attaché aux principes et aux règles régissant nos systèmes, et en même temps qu’il puisse aussi répondre aux exigences des citoyens, nous devons prétendre que toute personne qui est dotée de si grands pouvoirs respecte des standards d’éthique professionnelle de haut niveau.

En revenant à la réalité italienne, nous devons reconnaître que les donnés concernant l’activité de la chambre disciplinaire du C.S.M. sont assez étonnants, spécialement si on les compare avec ceux d’autres services de l’Etat. Il suffira de rappeler que, parmi septembre 1990 et juin 1993 - une période de moins de trois ans - le C.S.M. a condamné à plusieurs sanctions disciplinaires 160 magistrats sur un corps judiciaire (à l’époque) d’environs 7.000 personnes. Cinq d’eux ont subi la destitution ; dix-neuf ont été punis avec la perte d’ancienneté et quatorze ont été aussi transférés ex officio ; douze ont été suspendus de leurs fonctions et de leurs salaires pendant la procédure. Si l’on considère les donnés concernant 1995 on découvre que la chambre disciplinaire du C.S.M. a traité 129 dossiers. En 71 cas le magistrat incriminé a été acquitté, en 58 condamné[82].

Cette information montre que le corps judiciaire italien - même si avec des hésitations et des contradictions (qui d’ailleurs sont toujours inévitables) - est en train de faire de son mieux pour s’améliorer et pour garder des hauts standards de conduite. Cependant cela n’est pas l’avis de plusieurs observateurs, qui reprochent au pouvoir judiciaire de ne pas être assez strict dans l’application des sanctions disciplinaires[83]. En effet, dans plusieurs cas, un rôle très important a été joué par les «courants», c’est à dire les regroupements dans lesquels est partagée l’association nationale des magistrats et qui parfois agissent comme des lobbies ou groupes de pression en essayant de «sauver» des collègues contre lesquels une poursuite disciplinaire a été déclenchée. Mais, tout compte fait, je pense que, spécialement dans cette période, la chambre disciplinaire du C.S.M. a su se montrer préoccupée de la nécessité d’avoir un corps judiciaire composé par des personnes honnêtes et à la hauteur de leur fonction.

 

RETOUR AU DEBUT DE L'ARTICLE

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

 

 

 

 



[1] Cf. par exemple la note de présentation du questionnaire préparé en France en 1992 par l’Institut des hautes études pour la justice sur le sujet: «Le juge et son éthique» ; adde Ricciotti et Mariucci, Deontologia giudiziaria, I, Padova, 1995, p. VIII: «Un codice deontologico non si identifica con il corpo delle norme disciplinari, siano esse di origine legislativa o di origine giurisprudenziale. Le norme deontologiche hanno la loro collocazione nel campo dell’etica e, benchè siano state recepite nell’ordinamento positivo, non costituiscono una sorta di codice disciplinare». Dans le même sens v. aussi l’avis du Chief Justice des Etats-Unis Warren E. Burger: «In my judgment, the profession should regulate itself. (...) In 23 years of private practice and now 30 years on the bench, I have seen many desirable changes in the legal profession. These changes have been brought about, not by regulation from the outside, but by the profession itself—by the organised bar. In 1969, the American Bar Association, not some legislative body, took the initiative in revising the Code of Judicial Ethics, and more recently promulgated the Model Rules of Professional Conduct. We must continue this pattern of responsible self-regulation» (cf. Burger, Introduction à Eastland, Markey, Murphey, Shaman et Sharman, Ethics in the Courts: Policing Behavior in the Federal Judiciary, Washington, 1990, p. ix et s.).

[2] Giuliani et Picardi, I modelli storici della responsabilità del giudice, L’ordinamento giudiziario, Rimini, 1985, p. 208 et s. (aussi Foro italiano, 1978, V, c. 121 et s.). Adde Salvioli, Manuale di storia del diritto italiano, Torino, 1890, p. 523; Masi G., Il sindacato delle magistrature comunali nel secolo XIV, Rivista italiana delle scienze giuridiche, 1930, p. 7 et s.; Padoa Schioppa, Ricerche sull’appello nel diritto intermedio, Milano, 1967, p. 202.

[3] Giuliani et Picardi, préc., p. 220 et s. Adde Salvioli, préc., p. 523.

[4] Giuliani et Picardi, préc., p. 222 et s. Adde Arndts, Lehrbuch der Pandekten, München, 1861, p. 536; Ritter von Schulte, Lehrbuch der deutschen Reichs- und Rechtsgeschichte, Stuttgart, 1873, p. 361 et s.; Windscheid, Lehrbuch des Pandektenrechts, II, Frankfurt a.M., 1882, p. 771 et s., note 1.

[5] Giuliani et Picardi, préc., p. 226 et s.. Adde Springer, Die Coccejische Justizreform, Berlin, 1910; Tarello, Storia della cultura giuridica moderna, I, Bologna, 1976, p. 222 et s.

[6] Giuliani et Picardi, préc., p. 230 et s. Adde, sur l’histoire de la «prise à partie», Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique concernant l’explication des termes de droit, Paris, 1769, II, Prise à partie, p. 372 et s.; Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, 1783, Prise à partie, n. 11; Pothier, Traité de la procédure civile, Œuvres posthumes de M. Pothier, Paris, 1809, p. 152 et s.; Merlin, Dizionario universale, ossia repertorio ragionato di giuisprudenza e quistioni di diritto, Versione italiana, X, Venezia, 1840, Presa a parte, p. 629 et s.; Morizot-Thibault, La responsabilité des magistrats, Académie des sciences morales et politiques, 1905, p. 590; De Haine, Les origines et l’histoire de la prise à partie, Bordeaux, 1928, p. 1 et s., 43 et s.; Henry, La responsabilité des magistrats en matière civile et pénale, Dalloz, 1933, chr., p. 97.

[7] Giuliani et Picardi, préc., p. 239 et s.

[8] Cf. Dionisotti, Storia della magistratura piemontese, Torino, 1881; Astuti, La formazione dello stato moderno in Italia, I, Torino, 1967; Tarello, Storia della cultura giuridica, Bologna, I, 1977.

[9] Mele, La responsabilità disciplinare dei magistrati, Milano, 1987, p. 7 et s.. Adde Giuliani et Picardi, La responsabilità del giudice dallo Stato liberale allo Stato fascista, Foro italiano, 1978, IV, c. 213 et s.; Pajardi, Deontologia e responsabilità dei magistrati, Milano, 1985.

[10] Sur le Conseil Supérieur de la Magistrature italien cf. Santosuosso, Il Consiglio superiore della magistratura, Milano, 1958; Bartole, Autonomia e indipendenza dell’ordine giudiziario, Padova, 1964, p. 4 et s.; Volpe, Ordinamento giudiziario generale, Enciclopedia del diritto, XXX, Milano, 1980, p. 836 et s.; Guarnieri, L’indipendenza della magistratura, Padova, 1981; Bonifacio et Giacobbe, La magistratura, in Commentario della costituzione sous la direction de G. Branca, Bologna, 1986, p. 76 et s.; Pizzorusso, L’organizzazione della giustizia in Italia, Torino, 1985, p. 38 et s.; G. Zagrebelksy, Il potere normativo del Consiglio Superiore della Magistratura, La giustizia tra diritto e organizzazione, Torino, 1987, p. 183; Di Federico, «Lottizzazioni correntizie» e «politicizzazione» del C.S.M.: quali rimedi?, Quaderni costituzionali, 1990, X, n° 2, p. 279 et s.; G. Verde, L’amministrazione della giustizia fra Ministro e Consiglio Superiore, Padova, 1990; Onida, La posizione costituzionale del Csm e i rapporti con gli altri poteri, in Magistratura, Csm e principi costituzionali, Bari, p. 17 et s.; Devoto, Governo autonomo della magistratura e responsabilità politiche, in Cassazione penale, 1992, p. 2538 et s.; Ferri G., Il Consiglio Superiore della Magistratura e il suo Presidente, Padova, 1995.

[11] Mele, préc., p. 35.

[12] Des principes aussi «flous» peuvent être répérés également dans d’autres systèmes juridiques. Par exemple le «Model Code of Judicial Conduct», adopté par la House of Delegates of the American Bar Association le 7 aout 1990, stipule dans ses cinq canons que : «

1. A judge shall uphold the integrity and independence of the judiciary. 

2. A judge shall avoid impropriety and the appearance of impropriety in all of the judge’s activities. 

3. A judge shall perform the duties of judicial office impartially and diligently. 

4. A judge shall so conduct the judge’s extra-judicial activities as to minimise the risk of conflict with judicial obligations. 

5. A judge or judicial candidate shall refrain from inappropriate political activity».

Il faut néanmoins ajouter que le «Model Code» explique en détail quel est le contenu de chacun des canons qu’il contient : v. Eastland, Markey, Murphey, Shaman et Sharman, préc., p. 1 et s., 77 et s.; Shaman, Lubet et Alfini, Judicial Conduct and Ethics, Charlottesville, 1990, p. 3 et s.  Le «American Bar Association Code of Judicial Conduct» a été adopté par la House of Delegates de l’American Bar Association le 16 août 1972. En 1990 ce même code a été révisé après des longues études. 

En Californie la «California Judges Association» a révisé le model code en adoptant un «Revised California Code of Judicial Conduct» le 5 octobre 1992. La Proposition 190 (qui a amendé la constitution de la Californie, art. VI, ß 18(m), en vigueur à partir du 1er mars 1995) a introduit une nouvelle disposition constitutionnelle selon laquelle «The Supreme Court shall make rules for the conduct of judges, both on and off the bench, and for judicial candidates in the conduct of their campaigns. These rules shall be referred to as the Code of Judicial Ethics.» La Cour Suprême de Californie a formellement adopté ce Code of Judicial Ethics à partir du 15 janvier 1996.

Voici le préambule officiel du texte du California Code of Judicial Ethics (1996): «Our legal system is based on the principle that an independent, fair, and competent judiciary will interpret and apply the laws that govern us. The role of the judiciary is central to American concepts of justice and the rule of law. Intrinsic to this code are the precepts that judges, individually and collectively, must respect and honor the judicial office as a public trust and strive to enhance and maintain confidence in our legal system. The judge is an arbiter of facts and law for the resolution of disputes and a highly visible member of government under the rule of law. The Code of Judicial Ethics («Code») establishes standards for ethical conduct of judges on and off the bench and for candidates for judicial office. The Code consists of broad declarations called Canons, with subparts, and a Terminology section. Following each Canon is a Commentary section prepared by the Supreme Court Advisory Committee on Judicial Ethics. The Commentary, by explanation and example, provides guidance as to the purpose and meaning of the Canons. The Commentary does not constitute additional rules and should not be so construed. All members of the judiciary must comply with the Code. Compliance is required to preserve the integrity of the bench and to ensure the confidence of the public.  The Canons should be read together as a whole, and each provision should be construed in context and consistent with every other provision. They are to be applied in conformance with constitutional requirements, statutes, other court rules, and Arrêtal law. Nothing in the Code shall either impair the essential independence of judges in making judicial Arrêts or provide a separate basis for civil liability or criminal prosecution. The Code governs the conduct of judges and judicial candidates and is binding upon them. Whether disciplinary action is appropriate, and the degree of discipline to be imposed, requires a reasoned application of the text and consideration of such factors as the seriousness of the transgression, whether there is a pattern of improper activity, and the effect of the improper activity on others or on the judicial system».

[13] Mele, préc., p. 37-39, 42-51, 56-60. Adde G. Zagrebelsky, La responsabilità disciplinare dei magistrati: alcuni aspetti generali, in Rivista di diritto processuale, 1975, p. 439 et s.;  Vigoriti, Le responsabilità dei giudici, Bologna, 1984, p. 76 et s.; Pizzorusso, préc., p. 217; Izzo et Fiandanese, Lo stato giuridico dei magistrati ordinari, Roma, 1986, p. 349 et s.; Cicala, Il governo della Magistratura: I profili disciplinari, in Magistratura Indipendente, 1995, n° 3, p. 8.

L’art. 18 a été soumis au contrôle de la Cour constitutionnelle par la chambre disciplinaire du C.S.M. Selon l’avis de cette dernière l’art. 18 serait en contraste avec certaines dispositions de notre Constitution, mais la Cour a décidé autrement et par conséquent l’art. 18 n’a pas été abrogé : cf. l’arrêt n° 100 du 8 juin 1981, Giurisprudenza costituzionale, 1981, p. 843 et s.. Adde Morozzo della Rocca, Disciplina giudiziaria, Novissimo digesto italiano, Appendice, III, Torino, 1982, p. 3-4; V. Zagrebelsky, La responsabilità disciplinare dei magistrati, Magistratura, Csm e principi costituzionali, Bari, 1994.

[14] Voici les sources bibliographiques des décisions qui sont citées dans ce n° : Consiglio Superiore della Magistratura, La responsabilità disciplinare dei magistrati, IV, Roma, 1986; Consiglio Superiore della Magistratura, Manuale dell’udienza disciplinare, Legislazione e massime della sezione disciplinare aggiornate al dicembre 1990, Roma, 1992; Consiglio Superiore della Magistratura, Manuale dell’udienza disciplinare, Massime della sezione disciplnare dal 1 gennaio al 31 dicembre 1991, Roma, 1992; Mele, préc., p. 35-68; Ricciotti et Mariucci, Deontologia giudiziaria, I, Padova, 1995; Racheli, La deontologia professionale dei magistrati: a) responsabilità disciplinare; b) conseguenze di carattere paradisciplinare, rapport préparé pour l’Incontro di studio previsto dall’art. 22, d.pr. n. 116/88, per gli uditori giudiziari nominati con d.m. 29.9.1992, organisé par le Conseil Supérieur de la Magistrature italien (C.S.M. - Commissione speciale per gli uditori giudiziari), Roma, les 6-9 juin 1994.

[15] Arrêt du 1er février 1964 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[16] Arrêt du 23 janvier 1969 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[17] Arrêt du 21 juin 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[18] Arrêts du 27 juin 1974 et du 28 octobre 1983 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature ; dans ce dernier cas le Conseil appliqua la sanction de l’expulsion de la magistrature.

[19] Arrêt du 15 décembre 1983 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[20] Arrêts du 22 septembre 1989 et du 25 janvier 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[21] Arrêt du 19 février 1982 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[22] Arrêt du 22 février 1985 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[23] Arrêt du 26 juin 1985 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[24] Arrêts du 17 novembre 1971 et du 9 novembre 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[25] Arrêt du 23 février 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[26] Arrêt du 13 juin 1986 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[27] Arrêt du 11 décembre 1982 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[28] Arrêt du 26 novembre 1982 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[29] Arrêts du 10 juin 1961, du 7 octobre 1961, du 14 juillet 1978, du 8 juillet 1983, du 8 mars 1985, du 26 janvier 1990 et du 19 octobre 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[30] Arrêt du 8 avril 1983 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[31] Arrêt du 20 janvier 1984 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[32] Arrêt du 22 juillet 1961 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[33] Arrêts du 11 novembre 1971 et du 23 avril 1974 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[34] Arrêt du 29 janvier 1988 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[35] Arrêt n° 1095 du 14 février 1996 de la Cour Suprême de Cassation (Corte Suprema di Cassazione).

[36] Arrêt du 11 novembre 1971 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[37] Arrêt du 14 juin 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[38] Arrêt du 14 mars 1964 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[39] Arrêts du 22 novembre 1985 et du 23 novembre 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[40] Arrêt du 19 octobre 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[41] Arrêt du 12 avril 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[42] Mele, préc., p. 60 et s. Adde Fortuna, La responsabilità disciplinare del giudice, Quaderni giustizia, n. 9, p. 20 et s.; De Chiara, Provvedimenti giurisdizionali e responsabilità disciplinare del magistrato, La magistratura, 1975, p. 4 et s.

[43] Arrêt du 10 octobre 1982 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[44] Arrêt du 18 octobre 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature. Adde l’arrêt n° 2181 du 28 mars 1985 de la Cour Suprême de Cassation (Corte Suprema di Cassazione).

[45] Arrêt du 16 janvier 1989 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[46] Arrêt du 6 avril 1989 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[47] Arrêt du 22 février 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[48] Arrêt du 22 mai 1987 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette décision a confirmé la validité de la procédure suivie dans la pratique par les juridictions correctionnelles de donner priorité aux affaires dont les prévenus se trouvent en détention préventive.

[49] Arrêts du 9 décembre 1961, du 4 juillet 1964 et du 8 mai 1965 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[50] Arrêt du 25 novembre 1961 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[51] Arrêts du 18 décembre 1981, du 29 octobre 1982, du 11 novembre 1982 et du 29 avril 1983 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[52] Arrêt du 18 juin 1982 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[53] Arrêt du 1er mars 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[54] Arrêt du 9 mars 1963 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[55] Arrêt du 1 février 1964 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[56] Arrêt du 13 décembre 1991 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[57] Arrêts du 25 novembre 1961 et du 12 mai 1962 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[58] Arrêt du 4 juillet 1964 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[59] Arrêt du 14 juillet 1989 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[60] Cf. Zanotti, Le attività extragiudiziarie dei magistrati ordinari, Padova, 1981.

[61] Arrêt du 18 juillet 1964 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[62] Arrêt du 30 septembre 1977 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[63] Arrêt du 6 février 1965 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[64] Mais dans ce cas il devra, bien évidemment, respecter toutes les limitations qui sont imposées aux magistrats qui veulent participer aux compétitions électorales (cf. infra, dans ce même n°).

[65] Le dernier projet est constitué par l’art. 31 de la proposition de loi présentée par le gouvernement le 6 septembre 1995 (D.D.L. 3091/C).

[66] Cf. l’art. 8, du decreto del Presidente della repubblica n° 361 du 30 mars 1957.

[67] Arrêt du 11 novembre 1983 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature, Cassazione penale, 1983, p. 750 et s.. Adde Mele, préc., p. 59; Carcano, Il Consiglio superiore della magistratura e la massoneria, Cassazione penale, 1992, p. 2885 et s.

[68] Les procès-verbaux de la discussion au sein du C.S.M. qui a mené à la déclaration du 22 mars 1990 sont publiés dans : Consiglio Superiore della Magistratura, Notiziario, Nr. 11, 1990, p. 89 et s.

[69] Cf. aussi l’arrêt du 19 octobre 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[70] Cf. infra, n° 10.

[71] Cf. supra, note 13.

[72] Dans le même sens cf. Mele, préc., p. 57, qui remarque que tous les projets de loi concernant la responsabilité disciplinaire comprennent des dispositions du même genre de celles ci-dessus citées.

[73] Cf. Documenti giustizia, 7-8/1994, p. 1485 et s.

[74] En plein accord avec le Principe V, al. 3, de la Recommandation du Conseil de l’Europe n° R (94) : «Les juges devraient en particulier assumer les responsabilités suivantes : (...) g. suivre toute formation nécessaire à l’exercice de leurs fonctions de manière efficace et adéquate».

[75] Arrêt du 19 octobre 1990 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[76] Cf. par exemple Cicala, préc., p. 8.

[77] Cf. Cicala, préc., p. 8. Cet auteur soutient que dans certains cas (par exemple : faute particulièrement grave) la loi devrait obliger le ministre de déclencher la poursuite disciplinaire, afin de limiter les pouvoirs discrétionnaires de celui-ci.

[78] Arrêt du 2 octobre 1969 de la chambre disciplinaire du Conseil Supérieur de la Magistrature.

[79] Cf. sur ce point particulier Morozzo della Rocca, préc., p. 2-3.

[80] Cf. sur ce sujet particulier Salter et Jeavons, Humphreys’ Matrimonial Causes, London, 1989, p. 246 et s.

[81] «Wir wissen, daß nicht nur Generalklauseln, sondern eine Vielzahl von unbestimmten Rechtsbegriffen die eigentliche Normsetzung auf den Richter delegieren oder doch semantische Spielräume eröffnen, die nicht nur die eine richtige Ent­scheidung erkennen lassen. Richterliches Entscheiden ist nicht nur Erkenntnis, sondern immer auch Rechtsgewinnung» : cf. Limbach, »In Namen des Volkes« - Richterethos in der Demokratie, Deutsche Richterzeitung, 1995, p. 428.

[82] Ces données tiennent compte non seulement des arrêts rendus par la chambre disciplinaire du C.S.M. à la fin des respectives procédures, mais aussi des décisions provisoires qui ont été rendues dans le cours du procès.

[83] Cf. par exemple Di Federico, Limiti ed inefficacia degli strumenti di selezione negativa dei magistrati, La selezione dei magistrati: prospettive psicologiche, par Pedrazzi, Di Federico, Ermentini, Gulotta, Meneghello, Meschieri, Onofri et Pajardi, Milano, 1976, p. 11 et s., 21. Di Federico remarque que les mesures disciplinaires appliquées par la chambre disciplinaire du C.S.M. ne peuvent absolument pas être considérées comme l’instrument pour une efficace «sélection en négatif» des magistrats.