Union Internationale des Magistrats

2e commission d’étude

Droit civil et procédure

 

Réponses de la délégation italienne au

Questionnaire pour la réunion de 2009

 

 

Le traitement des litiges commerciaux

 

 

I. ORGANISATION / STRUCTURE 

 

1. Quel droit s’applique aux relations commerciales dans votre système juridique ? Est-ce qu’il y a des règles spéciales qui s’y appliquent ?

 

Le code civil italien de 1942 a réalisé ce que les civilistes de mon Pays appellent la « commercialisation du droit civil ». Plus exactement, le législateur italien avait décidé à l’époque de fusionner le code de commerce et le code civil, à l’intérieur de ce dernier. En fait, à partir de 1942 l’Italie n’a plus un code de commerce, les dispositions qui formaient l’objet de celui-ci ayant été insérées dans le 5e livre du code civil. La discipline de la faillite forme, par contre, depuis 1942, l’objet d’une loi à part, qui a été radicalement réformée en 2006 et en 2007. La « commercialisation » du droit civil dont on vient de faire état a comporté avant tout un avantage majeur, puisqu’on a évité d’avoir des contrats à la fois civils et commerciaux, comme c’était le cas auparavant.

Ainsi, il n’y a plus de clivage entre société civile et société commerciale, du moment que, depuis le code de 1942, toutes les sociétés sont forcément commerciales. Cela signifie que, pour qu’il y ait une société en Italie, il faut que cet organe exerce une activité « commerciale », c’est-à-dire une activité économique de production de biens et/ou de services professionnellement adressée au public. D’autre coté, il n’y a plus de « vente civile » et de « vente commerciale » : le contrat de vente (tout court) est réglé aux articles 1470 et suivants du code civil par des normes qui s’appliquent indépendamment du fait que les parties soient ou ne soient pas des commerçants.

Le désavantage de ce système est représenté par un manque de souplesse dans pas mal de solutions pratiques. Un exemple pour tous : le fait qu’il n’y ait plus de société civile a empêché la formation en Italie d’une jurisprudence permettant un partage du patrimoine accumulé pendant la cohabitation dans le cadre d’un faux ménage, tandis que le recours justement à la société (civile) de fait a été adoptée à plusieurs reprises dans les systèmes (tels que p. ex. le système français, le système espagnol, le système allemand, etc.) qui connaissent la société civile, aussi pour empêcher l’enrichissement d’un concubin au détriment du partenaire qui a contribué pendant des années, sans aucune récompense, à la gestion et à la vie de la famille.

 

 

2. Comment sont organisés les tribunaux compétents en matière commerciale ? (p.ex., les litiges commerciaux sont-ils portés devant les tribunaux ordinaires dans lesquels les juges traitent une vaste variété des cas, ou sont-ils portés devant des juges ayant une expérience plus poussée en matière commerciale ou sont-ils portés devant des tribunaux spéciaux dans lesquels les juges traitent exclusivement des litiges commerciaux ?)

 

En Italie il n’y a pas de tribunaux de commerce. Les litiges touchant au droit commercial (p. ex. les affaires entre commerçants, les affaires entre les associés d’une société de n’importe quel type, etc.) sont tranchés par les tribunaux ordinaires, avec les autres litiges (en matière de famille, successions, propriété, exécutions, etc.). Seulement les affaires relatives à la faillite (déclaration de l’état de faillite, révocation des contrats stipulés entre le commerçant ou l’entrepreneur qui été assujetti à la faillite et un tiers, etc.) relèvent de la compétence d’une section spécialisée du tribunal ordinaire et suivent les procédures prévues par la loi spéciale sur la faillite.

 

 

 3. Est-ce qu’il existe dans votre système judiciaire des tribunaux spéciaux d’arbitrage pour les litiges commerciaux ?

 

En Italie il n’y a pas de tribunaux spéciaux d’arbitrage. Il y a, bien-entendu, des procédures d’arbitrage, qui se déroulent devant des arbitres privés, mais cela peut se passer par n’importe quel litige, touchant à des droit disponibles, même en dehors de la matière commerciale. C’est pourtant vrai que pas mal d’affaires résolues par les collèges des arbitres sont des différends qui concernent justement la matière commerciale. C’est pour cela qu’il sera peut-être utile de donner quelques informations à ce sujet.

 

L’arbitrage en droit italien

            L’arbitrage, tout comme la conciliation, vise à éviter les formalités, les délais, les coûts e la frustration reliés au processus judiciaire habituel ; il se conclut cependant non pas par une conciliation, mais par une sentence susceptible d’exécution forcée, selon les procédures prévues par la loi.

 

1. L’arbitrage interne

Le droit italien reconnaît aux parties le droit de soumettre à arbitrage, au moyen d’une clause compromissoire, un litige déjà né ou à naître. L’effet principal de cet accord est représenté par la renonciation à la juridiction ordinaire. Peut faire l’objet d’un arbitrage tout type de litige, à l’exception des conflits relatifs au statut des personnes ou relevant du droit du travail, de la validité des marques et brevets et, en général, les conflits qui ne peuvent pas faire l’objet d’une transaction. La clause compromissoire doit être rédigée en forme écrite et définir l’objet du différend ; elle peut être insérée dans un contrat ou faire l’objet d’un acte séparé (arts. 807 et 808 Code de Procédure Civile).

Le système italien connaît deux types d’arbitrage :

-         L’arbitrage légal (« arbitrato rituale ») est régi par les articles 806 à 831 du Code de Procédure Civile, qui aboutit à une sentence arbitrale qui lie les parties et équivaut à un jugement, dans la mesure où elle est susceptible d’acquérir la force exécutoire au moyen d’un décret émis par le juge, après un contrôle de la régularité formelle de la décision des arbitres. A défaut d’accord dérogatoire des parties, les arbitres prononcent leur sentence (« lodo ») dans le délai (normalement) de 240 jours à compter de la date d’acceptation de leur mission (cf. art. 820 du Code de Procédure Civile).

-         L’arbitrage contractuel (« arbitrato irrituale ») a par contre la valeur d’un contrat et peut être annulé pour les mêmes motifs que celui-ci. Dans ce type d’arbitrage, il n’est pas possible d’obtenir une déclaration d’exécutivité et la partie qui veut obliger l’autre partie à respecter les termes de la sentence arbitrale est obligée de saisir la juridiction ordinaire. Les voies de recours sont ouvertes seulement dans des hypothèses très limitées (cf. art. 808-ter du Code de Procédure Civile).

            Finalement l’arbitrato prévu par le Code de Procédure Civile ne doit pas être confus avec l’arbitraggio, prévu par le Code Civil. L’Art. 1349 du Code Civil italien au Titre « Des contrats en général » pose un principe général, sous la rubrique « Détermination de l’objet », en disposant comme il suit : « (1) Si la détermination de la prestation qui fait l’objet du contrat a été laissée à un tiers, et s’il n’apparaît pas que les parties aient voulu s’en remettre à la décision entièrement discrétionnaire (mero arbitrio) de ce tiers, le tiers doit procéder à une appréciation équitable. (2) Si la détermination par le tiers fait défaut ou si elle est manifestement inique ou erronée, la détermination est faite par le juge. (3) La détermination abandonnée à l’entière discrétion du tiers ne peut être attaquée, si ce n’est en prouvant sa mauvaise foi. (4) Si la détermination par le tiers fait défaut et que les parties ne s’entendent pas pour remplacer le tiers, le contrat est nul de plein droit ».

 

2. L’arbitrage international et  l’arbitrage étranger

L’Italie a adhéré à la Convention de Genève du 21 avril 1961 sur l’arbitrage commercial international, laquelle précise, notamment, tant la loi applicable à un litige soumis à un arbitrage international que l’organisation de l’arbitrage lui même (lieu, collège, règles de procédure, etc.). L’Italie a également adhéré à la Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères du 10 juin 1958.  

            Selon la définition fournie par l’article 1 de la Convention de New York du 10 juin 1958, l’arbitrage est étranger s’il est effectué dans le territoire d’un Etat différent de celui où il doit être reconnu et exécuté. Selon la loi italienne, l’arbitrage est étranger quand son siège n’est pas fixé en Italie.

La distinction entre sentences arbitrales nationales et internationales est aujourd’hui moins importante qu’auparavant, dans la mesure où la sentence interne est assujettie à une procédure de dépôt et de contrôle de régularité (art. 825 du Code de Procédure Civile), tandis que la sentence étrangère est assujettie à une procédure de reconnaissance (arts. 839 – 840 du Code de Procédure Civile). Mais le Code stipule que cette reconnaissance de la sentence arbitrale, qui doit être demandée par recours au Président de la Cour d’Appel italienne compétente, se déroule par un contrôle de régularité formelle, qui aboutit à un décret.

La reconnaissance ne peut pas être accordée :

-         si la décision du différend, selon la loi italienne, ne peut pas être attribuée à des arbitres ;

-         si la sentence arbitrale contient des dispositions contraires à l’ordre public.

La loi n° 218 du 31 mai 1995 portant réforme du droit international privé prévoit que la juridiction italienne peut être écartée au profit de l’arbitrage à condition que ce dernier fasse l’objet d’un accord écrit et porte sur des droits « disponibles », laissés à la disponibilité des parties, hors dispositions impératives.

 

3. Les Institutions et le coût de l’arbitrage

La mission d’arbitre est confiée à un ou plusieurs arbitres acceptés par toutes les parties, suivant les règles fixées par la clause d’arbitrage. En cas de désaccord c’est le président du tribunal qui va nommer l’arbitre ou les arbitres.

En Italie, il existe un réseau de Chambres Arbitrales, situées dans chaque province, qui s’occupe des arbitrages et des conciliations, tant en matière commerciale qu’en matière de consommation.

Afin de rendre ces services plus efficaces, un règlement simplifié a été adopté par la plupart des Chambres Arbitrales, lequel prévoit deux phases possibles : une première phase de conciliation et une deuxième phase d’arbitrage. 

Pour ce qui concerne l’arbitrage international, la structure la plus importante demeure la Chambre Arbitrale auprès de la Chambre de Commerce de Milan (« Camera Arbitrale Nazionale ed Internazionale di Milano »). 

 

 

3. … Y a-t-il des circonstances dans lesquelles un litige doit passer par une médiation ou un arbitrage avant de pouvoir saisir un tribunal ou avant de pouvoir continuer le litige après l’avoir entamé ?

 

            1. La « culture » des MARL en Italie

            Venant maintenant à traiter des modes alternatifs de résolution des litiges (MARL) il faut d’abord dire qu’en Italie il y a toujours eu une certaine méfiance vis-à-vis ces nouveaux systèmes de résolution des différends. A cet égard on doit d’abord mentionner la crainte des avocats de perdre (ou de voir sensiblement réduits) les revenues d’un système des frais de procédure qui au présent est essentiellement basé sur le nombre des mémoires écrits et déposés aux actes du procès, ainsi que sur les activités accomplies (participation aux audiences, présentation de requêtes au juge, etc.) dans le cadre de la procédure judiciaire. D’ailleurs l’article 102 de la Constitution italienne stipule que « La fonction juridictionnelle est exercée par des magistrats ordinaires institués et régis par les règles sur l’organisation judiciaire. Il ne peut être institué de juges extraordinaires ni de juges spéciaux ». Or, la Cour constitutionnelle a déjà statué qu’un système d’arbitrage obligatoirement imposé par la loi, sans aucune possibilité de recours à l’autorité judiciaire en cas de désaccord, constituerait une forme de juridiction spéciale, interdite par la même Constitution (cf. par exemple les arrêts n° 127 du 1977, n° 54 du 1996, n° 381 du 1997, n° 325 du 1998). Bien que conciliation et arbitrage soient deux instituts différents, on ne peut pas nier que cette attitude négative de la Cour a beaucoup contribué à fomenter une sorte de méfiance à l’encontre de toute méthode « non traditionnelle » de résolution des litiges.

            Cela dit, des procédures préalables de conciliation sont prévues dans certains secteurs par devant des organes de l’administration : c’est le cas, par exemple, du contentieux du travail, où l’art. 410 du Code de Procédure Civile stipule que toute procédure découlant d’un rapport de travail doit nécessairement être précédée par une tentative obligatoire de conciliation auprès d’une commission provinciale, constituée auprès des bureaux provinciaux du travail. Dans ce cadre on peut aussi mentionner les conciliations par devant le difensore civico, un organe institué auprès des communes italiennes pour résoudre à l’amiable les disputes parmi les citoyens et la mairie. Il en est de même pour les difensori civici installés auprès des régions.

            Il y a aussi, bien entendu, des procédures de conciliation qui se déroulent devant les juridictions : on pourra ici faire mention de la conciliation tentée par le président du tribunal au début des procédures de séparation de corps et de divorce, ou encore de la tentative de conciliation effectuée par le juge de paix sur la requête des parties (cf. art. 322 du Code de Procédure Civile).

            Pour ce qui est, plus exactement, du juge de paix, qui a compétence aussi dans le domaine des matières des litiges commerciaux, il faut dire que la procédure est réglementée par des dispositions spéciales (article 316 et suivants du Code de Procédure Civile), qui s’inspirent en partie des dispositions régissant la procédure devant l’ancien « juge conciliateur » (abrogé depuis quelques années). Il s’agit d’une procédure simplifiée, du moment que l’instance peut être introduite par une simple déclaration faite au juge, qui fait rédiger un procès verbal et convoque les parties (les délais de comparution sont réduits de la moitié par rapport aux délais ordinaires) ; au moment de l’audience, le juge écoute les parties et cherche à les concilier : si les parties parviennent à un accord, celui-ci est constaté dans un procès verbal qui a force exécutoire ; si la tentative de conciliation n’a pas réussi, le juge invite les parties à préciser les faits, produire les documents et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve une deuxième audience est fixée seulement si l’instruction de l’affaire l’exige ; le jugement doit être déposé dans les 15 jours qui suivent la discussion.

La loi prévoit aussi que la demande de conciliation « non contentieuse » (art. 322 du Code de Procédure Civile), jadis prévue par les dispositions concernant le juge conciliateur, peut être introduite aussi auprès du juge de paix, indépendamment du montant de la valeur du litige ; néanmoins, le procès verbal qui constate l’accord des parties n’aura force exécutoire que si le litige relève de la compétence du juge de paix. La compétence ratione summae du juge de paix est fixée normalement à € 2.582,28, qui deviennent € 15.493,71 pour les litiges qui concernent la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs et des navires. Ces montants viennent d’être élevés, respectivement, à € 5.000,00 et à € 20.000, par une loi approuvée par le Parlement italien le 26 mai 2009.

            A côté de cela il faut aussi mentionner des formes de conciliation « privée » prévues au sein de certains groupements économiques ou sociaux : on peut penser aux organes de conciliation prévus par certaines grandes entreprises dans le secteur des télécommunications (p. ex. Telecom Italia), des postes (Poste Italiane) et des banques (p. ex. Banca Intesa). L’association des banques italiennes (A.B.I.) a d’ailleurs créé, en 1993, un ombudsman pour la solution des litiges dont la valeur n’excède pas les € 10.000. Dans tous ces cas, les procédures, qui n’ont pas caractère obligatoire, se déroulent normalement selon des règles arrêtées par des protocoles d’intente stipulés avec les associations des consommateurs.

 

            2. Dispositions législatives en matière de MARL

            On assiste depuis quelque temps à un phénomène de « structuration » des MARL dans certains secteurs. A ce propos il faut dire que quelques lois ont remis la solution de certains types de différends à des commissions arbitrales et de conciliation. C’est le cas, par exemple, de l’art. 2, alinéa 4, de la Loi n° 580 du 29 décembre 1993, qui a institué auprès des chambres de commerce, de l’industrie et de l’artisanat (existantes à niveau provincial) des commissions pour la conciliation ayant pour but de résoudre les différends parmi les entreprises, ainsi que parmi celles-ci et les usagers.

            L’art. 10 de la loi n° 192 du 18 juin 1998, sur le contrat de « sous-commande » prévoit le recours obligatoire (dans le cas d’un litige concernant ce type de contrat) aux commissions pour la conciliation des chambres de commerce, avant que toute action en justice ne soit entamée. La loi n° 281 du 30 juillet 1998 stipule que les associations des consommateurs, qui ont été autorisées à entamer des procédures dans l’intérêt général des usagers, ont le droit de saisir les commissions de conciliations créées auprès des chambres de commerce, avant de saisir l’autorité judiciaire. De même, la loi sur le tourisme (n° 135 du 29 mars 2001) prescrit la mise en place, auprès des chambres de commerce, de certaines commissions de conciliation spécialisées dans le traitement du contentieux parmi les entreprises touristiques, ainsi que parmi celles-ci et leurs clients.

            Dans le cadre de l’art. 1, alinéa 13, de la loi n° 249 du 31 juillet 1997, les régions italiennes ont institué des organes régionaux appelés CORECOM (Comitato Regionale per le Comunicazioni), dont la tâche est aussi celle d’effectuer une tentative préalable (et obligatoire) de conciliation des différends en matière de télécommunications.

            Plus récemment encore les articles 38-40 du décret législatif n° 5 du 17 janvier 2003 (réforme du droit des sociétés commerciales), en vigueur depuis le 1er janvier 2004, a accordé aux organismes privés et publics, sous le respect de certaines conditions, la possibilité de mettre sur pied des organisations, soumises à enregistrement auprès du ministère de la justice, dont la tâche serait celle d’entamer une tentative de conciliation dans le cadre des litiges des sociétés commerciales, des banques et des services financiers. Les organisations intéressées doivent déposer auprès du ministère un « règlement de procédure » et un tableau de leurs tarifs. La procédure de conciliation est exempte d’impôts et l’accord de conciliation est exempté des taxes d’enregistrement jusqu’à la valeur de € 25.000. Le procédé doit être confidentiel et les actes soumis par les parties ne pourront pas être utilisés en tant que preuves au sein d’une éventuelle procédure judiciaire. Le conciliateur doit être impartial. Si les parties concluent un accord, cette entente peut être homologuée par le président du tribunal ; suite à cette homologation l’accord devient exécutoire. Si une des parties ne comparait pas devant le conciliateur, le procédé se termine par un rapport de non comparution. Si les deux parties comparaissent et elles ne concluent pas un accord, le conciliateur publie une recommandation, et les parties expriment les différentes conditions auxquelles elles auraient été disponibles à conclure une transaction. La non comparution, ainsi que le non respect de la procédure devant le conciliateur, en cas d’échec du procédé, sont évalués par le juge dans la détermination des frais et des honoraires de la procédure judiciaire qui va suivre.

            L’art. 60 de la loi approuvée par le Parlement italien le 26 mai 2009 délègue le Gouvernement à émaner un décret qui devrait rendre ces procédures de conciliation applicables à toute sorte de litige civil et commercial.

 

            3. Appréciation du système italien des MARL

            On peut affirmer que le Législateur italien, surtout par les deux textes qu’on a mentionné (loi n° 580 du 1993 et décret législatif n° 5 du 2003) a jeté les bases pur un système de MARL public et privé. Malheureusement, dans la pratique l’adoption de ces instruments a été jusqu’ici très insatisfaisante. Compte tenu du fait que les commissions de conciliation existent auprès des chambres de commerce depuis plusieurs années, il n’est pas exagéré de parler (au moins pour le moment) d’un échec. Pour donner une idée de la gravité de la situation, il suffira tenir compte des données fournies par l’Unioncamere, c’est-à-dire l’organisme regroupant les chambres de commerce italiennes. Ici il faudra remarquer que, malgré l’optimisme montré par cet organisme (et malgré une certaine tendance positive à l’augmentation des chiffres au cours de ces dernières années), l’Unioncamere a admis qu’au cours de l’année 2003 les conciliations n’ont été que… 2.128 ; en 2007 le nombre total des demandes de conciliation en Italie n’a été que 50.000, face à des chiffres du contentieux judiciaire qui atteignent plusieurs millions d’unités !

            Ce résultat si modeste ne doit d’ailleurs pas étonner, si on pense aux suites aux Etats-Unis du Civil Justice Reform Act de 1990. Cette réforme se fondait, entre autres, sur six principes de case management, ainsi que sur un emploi plus massif des ADR (MARL). Malheureusement, comme il a été attesté par les analyses effectuées par le prestigieux institut de la RAND Corporation sur les données concernant l’application de cette loi, la réforme de 1990 n’a pas apporté les fruits qu’on espérait. De surcroît, on doit prendre note d’une hausse des temps de travail des avocats sur les cas, ce qui entraîne nécessairement une augmentation de leurs coûts, puisque les avocats américains sont payés par rapport au temps qu’ils emploient dans chaque affaire.

            Les données concernant les MARL italiennes sont carrément plus encourageantes si on pense, par contre, à la réduction des temps des procédures. Si on prend le cas, par exemple, de la procédure de conciliation auprès de Telecom Italia, on peut remarquer qu’en 2003 sur 854 demandes de conciliation, 626 se sont terminées par un accord. 39% de ces accords concernaient les connexions Internet, 20% les factures et 12% un service appelé Audiotel. Le temps de définition de la procédure a été de moins de 45 jours pour le 57% des demandes. 

 

 

4. Quels sont les litiges commerciaux qui sont portés devant vos tribunaux (contrats, propriété intellectuelle, garanties, insolvabilité/faillite, droit des sociétés, etc.) ?

 

Comme on vient de le dire, il n’y a en principe aucune différence en Italie entre litiges civils et litiges commerciaux. Devant nos tribunaux tout litige commercial ou non commercial peut être porté, en principe, pourvu, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas d’un litige qui tombe sous la compétence des tribunaux administratifs ou d’autres juridictions spéciales (tribunaux militaires, tribunaux spéciaux des eaux, tribunaux pour les affaires en matière fiscale, etc.).

 

 

II.        PROCES / PROCEDURE

 

1. Est-ce qu’il existe dans votre système juridique des règles de procédure spéciales pour des litiges commerciaux  comme p.ex.  celles qui concernent dans la phase avant le jugement l’obtention des pièces et les mesures d’instructions ? Est-ce que ces dispositions sont d’origine jurisprudentielle ou d’origine règlementaire ? Est-ce que ces dispositions sont suffisantes pour permettre de traiter les litiges commerciaux ?

 

Le 26 mai 2009 le Parlement italien a voté l’abrogation des dispositions du décret législatif du 17 janvier 2003. Cette loi (concoctée – comme trop souvent se passe en Italie – par des soi-disant experts, qui normalement n’ont jamais mis leurs pieds dans une salle d’audiences d’un palais de justice) avait prévu pour certaines affaires commerciales, et notamment pour les affaires concernant les sociétés (décisions en matière de délibérations des organes des sociétés, affaires relatives à la vente et à l’achat de parts et d’actions de sociétés, litiges visant à obtenir des dommages-intérêts à l’encontre de managers de sociétés, etc.), ainsi que pour les affaires entre les particuliers et le vendeurs de valeurs mobilières (actions, fonds d’investissement, obligations de sociétés, etc.) une procédure spéciale par-devant les tribunaux ordinaires.

Il s’agissait d’un procès très « sophistiqué » et compliqué, parsemé de véritables « pièges » de procédure, qui était détesté à la fois par les avocats (qui trop souvent perdaient leurs litiges, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas respecté un délai péremptoire pour le dépôt d’un acte de la procédure) et par les juges. En fait, pour ces affaires il était prévu un « rite » inutilement baroque et complexe, avec des multiples rebondissements entre la formation collégiale (devant laquelle la procédure débutait) et le juge de la mise en état (devant lequel le dossier devait forcement revenir pour l’enquête, l’expertise ou toute autre acte d’instruction, pour devoir enfin retourner devant le collège). Chaque passage de ce rite était abondamment « arrosé » de centaines et centaines de pages d’actes écrits par les avocats (très souvent par le biais d’un  simple « copier-coller » d’actes précédents), tout comme par d’interminables discussions devant la formation collégiale. Ici, les avocats ne faisaient que répéter ce qu’ils avaient déjà écrit et que tout le monde – après des mois et des mois d’audiences, échanges de mémoires, etc. – connaissait déjà par cœur… (mais, gare au juge qui aurait osé les en empêcher : il aurait été immédiatement accusé de vouloir étouffer le contradictoire !).

A présent, à partir du moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ce véritable scandale touchera à sa fin et toute procédure en matière de société et de valeurs mobilières sera ramenée à nouveau à la procédure ordinaire.

Il s’agit d’un tout petit dans la bonne direction. Bien sûr, il faudrait remanier complètement toute la procédure ordinaire (et cela pour n’importe quel genre de matière, non seulement pour les litiges à caractère commercial !) pour avoir finalement un procès civil digne de ce nom, en donnant beaucoup plus de pouvoirs au juge et en l’enlevant aux avocats. Mais je ne crois pas que cette réforme (qui se heurterait inévitablement à la toute puissante lobby des avocats) soit envisageable en ce moment en Italie.

Ici il me suffira de rappeler que cette perspective d’un juge plus « interventionniste » semble être aussi envisagée au niveau supranational. Ainsi, le Principe 3 de l’Annexe à la Recommandation n° R (84) 5 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 28 février 1984 (Principes de procédure civile propres à améliorer le fonctionnement de la justice), établit que « Le juge devrait, au moins lors de l’audience préliminaire, mais si possible à tous les stades de la procédure, jouer un rôle actif afin d’assurer, dans le respect des droits des parties et du principe de leur égalité, un déroulement rapide des procédures. Notamment, il devrait avoir, d’office, les pouvoirs de demander aux parties toutes clarifications utiles, de les faire comparaître personnellement, de soulever des questions de droit, de rechercher les preuves au moins dans les cas où le fond du litige n’est pas à la disposition des parties, de diriger l’administration des preuves, d’exclure des témoins si leur déposition éventuelle manque de pertinence par rapport à l’affaire, de limiter le nombre, s’il est excessif, des témoins appelés à déposer sur les mêmes faits. Ces pouvoirs devraient être exercés sans pour autant déborder l’objet de l’action ».

            En traitant toujours des procédures judiciaires dans le domaine commercial, il faudra ajouter qu’un remède d’importance tout à fait extraordinaire est celui de l’ « injonction de payer », qui permet au créancier d’une dette, justifiée par une épreuve par écrit, d’obtenir par le juge un décret ordonnant au débiter de payer. Le décret peut, le cas échéant, être muni de force exécutoire et s’il n’est pas opposé par le biais d’une procédure ordinaire entamée par le débiteur dans un délai très bref, il devient définitif et irrévocable.

 

 

2. Est-ce que les règles procédurales sont différentes en fonction de l’enjeu monétaire de la demande ? Est-ce que le litige dont l’enjeu n’est pas considérable est porté devant un autre tribunal ?

 

L’enjeu monétaire de la demande relève par rapport à n’importe quel tipe d’affaire civile (et parmi celles-ci, aussi les affaires qui dans plusieurs systèmes étrangers seraient considérées comme affaires commerciales). La loi approuvée le 26 mai 2009 par le Parlement italien et qu’on a déjà mentionnée vient de porter à € 5.000,00 la limite en dessous de laquelle une affaire « ordinaire » doit être instaurée devant le juge de paix (et non pas devant le tribunal). Par exemple, une vente commerciale (qui, de toute façon, et pour les raisons qu’on a déjà expliquée en Italie est réputée « vente » tout court), de la valeur de 2.000,00 relève donc de la compétence du juge de paix, exactement comme n’importe quelle autre affaire de la même valeur. L’appel, par contre, sera traité par le tribunal.

 

 

3. a) Est-ce que votre système juridique prévoit que les litiges commerciaux sont fixés pour plaidoiries en préférence aux autres litiges ? Dans l’affirmative, est-ce que le rang de préférence s’applique aussi en matière d’appel ?

 

Il n’y a pas de dispositions en ce sens dans le système juridique italien.

 

 

3. b)  Est-ce qu’en général dans vos tribunaux, les audiences de plaidoiries sont fixées du jour au lendemain ou est-ce que les délais entre les audiences sont longs ? Est-ce que la pratique est différente pour les litiges commerciaux ?

 

L’Italie détient malheureusement le record absolu d’affaires entamées devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour non respect du critère du délai raisonnable (art. 6 de la Conv. Europ. Pour la protection des Droits de l’Homme). Le nombre des avocats (210.000), d’un coté, et la complexité des procédures, de l’autre coté, n’aident pas à solutionner ce véritable fléau. Dans quelques juridictions italienne, grâce à l’audace et à la ténacité de certains chefs de cours, quelques initiatives ont été mises sur pied. C’est justement le cas du Tribunal de Turin, où le « Programme Strasbourg » a permis de réduire de façon sensible la durée des procédures.

Le « Programme Strasbourg », à qui une mentionne spéciale a été décernée dans le cadre du prix « La balance de cristal de la justice » (institué par le Conseil de l’Europe et par la Commission de l’Union Européenne) est la première expérience de case management essayé en Italie, visant à obtenir une réduction importante de l’arriéré judiciaire et l’accélération du traitement des affaires civiles. L’initiative est née d’une idée du Président du Tribunal de Turin, M. Mario Barbuto, qui l’a concrétisée d’abord par le biais d’une activité de monitorage de l’arriéré, suivie en 2001 par la rédaction d’une circulaire par laquelle il a donné des dispositions et mis en œuvre des initiatives concrètes pour remédier à la violation du principe de la durée raisonnable du procès.

Sur le plan pratique:

·        On a effectué le recensement de toutes les causes inscrites au rôle avant 1998 (et donc avec déjà une durée triennale) et qui, dans les 8 sections ordinaires du siège central (sans tenir compte, donc de la chambre du contentieux du travail, ni des chambres détachées) se chiffraient à 2.354 à la date du 30 avril 2001 (52 de ces causes dataient d’une époque antérieure à 1990).

·        Ce recensement a été comparé avec celui analogue ordonné par le CSM en avril 2000, lorsque les causes ultra-triennales étaient au nombre de 2.225.

·        Un juge a été chargé de mener une étude sur les raisons de la persistance des « vieilles affaires », malgré les efforts prodigués dans la période biennale 1999/2000 en vue de diminuer les arriérés les plus anciens. Au cours de cette enquête, ce collègue a pu découvrir qu’il a avait aussi 6.919 dossiers civils pendants auprès des sections spéciales instituées pour éliminer l’arriéré antérieur à la date du 30.4.1995 (et qui duraient donc depuis plus de trois ans). On a pu alors calculer qu’à la moitié de l’année 2001, le nombre total des affaires dont la durée était devenue intolérable se chiffrait en tout à 9.144 dossiers.

Dans le cadre des informations fournies au Procureur Général en juillet 2001, le Président du Tribunal a annoncé une initiative de nature opérationnelle (d’application immédiate) : la diffusion d’une sorte de « décalogue » pour le traitement rapide et ciblé des causes très anciennes, à répartir par catégories (par exemple ultra-décennales, ultra-quinquennales et ainsi de suite, qui se distinguent selon une couleur différente de la couverture ou par un « coupon » d’alerte).

Le « décalogue », sous forme de circulaire ou de recommandation, contient des conseils pratiques et détaillés à l’intention de tous les juges civils (par exemple l’interdiction des « renvois purs et simples » par analogie avec la procédure du travail qui à l’art. 420 dernier alinéa c.p.c. dispose que les « audiences de simple renvoi sont interdites » ; l’usage rigoureux des pouvoir du juge prévus par l’art. 175 c.p.c., etc.) pour assurer une pratique uniforme dans toutes les sections mais toujours en respectant la complète autonomie de chaque juge chargé de la mise en état des dossiers.

Le Président a aussi communiqué à titre préliminaire le projet de « circulaire » au Conseil du Barreau de Turin, soit pour obtenir l’avis favorable d’un organe institutionnel fortement concerné par le cours de la justice civile, soit pour éviter que les défenseurs de causes individuelles interprètent le nouveau cours comme une vexation gratuite ou comme une initiative inopinée et épisodique de tel ou tel autre magistrat.

La mise en œuvre du « Programme Strasbourg » a immédiatement montré des résultats très positifs. Déjà les données relevées dix mois après le recensement précédent indiquaient une diminution sensible des affaires civiles pendantes depuis plus de trois  ans ; ces données prouvent le succès du « Programme Strasbourg » et confirment que l’attention accrue accordée aux causes de plus longue date détermine en soi une réduction des arriérés supérieure à celle qu’on peut obtenir moyennant une approche casuelle vis-à-vis des causes pendantes ; la concentration, en particulier sur les causes de plus longue date (celles « pathologiquement anciennes ») est compatible, en principe, avec la définition des affaires datant de plus de trois ans (celles « physiologiquement anciennes »), ainsi qu’avec le traitement des affaires infra-triennales.

Pour donner une idée des résultats obtenus on pourra faire référence au tableau suivant :

Affaires civiles de toutes les chambres civiles (y compris la chambre du contentieux du travail et les chambres détachées)

Arriéré au 1er janvier

Pourcentage de réduction de l’arriéré

Au 1er janvier 2001

39.144

 

Au 1er janvier 2002

36.485

6,7%

Au 1er janvier 2003

30.518

16,3%

Au 1er janvier 2004

28.752

5,7%

Au 1er janvier 2005

28.762

Inversion de tendance

Au 1er janvier 2006

28.616

0,5%

Pourcentage de réduction (5 ans)

 

26,6%

Moyenne de réduction de l’arriéré par an

 

5,36%

On pourra finalement ajouter qu’au 31 décembre 2008 l’arriéré avait été ultérieurement réduit à 27.970 affaires.

Il est évident que dans ce cadre aucune spéciale préférence n’a été accordée aux procédures « commerciales ». Le critère de préférence n’a été que celui de l’ « ancienneté » des affaires.

 

 

4. Est-ce qu’il existe des délais pour les prononcés de jugements (règles informelles internes, jurisprudentielles, ou réglementaires) en matière commerciale ?

 

Les délais pour les prononcés de jugements (règles informelles internes, jurisprudentielles, ou réglementaires) en matière commerciale sont exactement les mêmes que celles en toute autre matière ordinairement traitée par nos juridictions.

 

 

5. Est-ce que vos tribunaux ont le pouvoir d’imposer des délais pour l’instruction du dossier dans la phase préparatoire ou durant l’audience des plaidoiries pour des litiges commerciaux ? (p.ex. des délais pour instruire ou pour conclure sur un moyen, pour examiner les témoignages, etc.) Quelles sont les conséquences en cas de non-respect de ces délais, s’il y en a ?

 

            Non.

 

 

6. En cas de litige commercial présumé particulièrement compliqué, est-ce qu’il y a plus qu’un juge qui est nommé en charge du litige commercial?

 

            Non.

 

7. a) Est-ce qu’il y a des règles de preuve spéciales en matière commerciale (p.ex. l’admissibilité, la valeur)

 

            Non.

 

7. b) Est-ce que les avis des experts et des témoins ont une importance spéciale en matière de litige commercial ?

 

            L’importance de l’expertise et de l’enquête ne dépend pas du caractère « civil » ou « commercial » du litige. Prenons par exemple le problème de l’avis des experts. Il me paraît évident qu’ici ce qui relève est surtout la question pratique qui se pose à la base du différend. S’il s’agit d’une question strictement technique on ne pourra pas se passer de l’avis d’un expert. On pourra ajouter à ce sujet que, malgré le principe dispositif, le système italien aménage un certain nombre de preuves dont l’initiative est laissée d’office au juge. On pourra mentionner à cet égard justement l’expertise (art. 61, 191 à 201 c.p.c. it.), la comparution personnelle des parties (art. 117, 183, al. 1er à 3, 185, 420, al. 1er à 3, 421, al. 4, c.p.c. it.), la descente sur le lieu et les vérifications personnelles du juge (art. 118, 258 à 262 c.p.c. it.), la requête d’informations à une administration publique (art. 213 c.p.c. it.), certains (d’ailleurs assez limités) pouvoirs d’office en matière d’enquête, la production forcée des pièces comptables et des documents des entreprises (art. 2711, al. 2, c.c. it.), le serment supplétoire et celui d’estimation (art. 2736 et s. c.c. it., 240 et s. c.p.c. it.).

            Or, là aussi, il n’y a aucune différence entre litiges « civils » et litiges « commerciaux ». En ce qui concerne en particulier les mesures d’instruction exécutées par un technicien, il faudra rappeler que le système italien ne connaît pas la tripartition entre constatations techniques, consultations techniques et expertise, mais une simple distinction entre constat et expertise, dont le premier peut être demandé en référé aussi avant tout procès, exactement comme en France, lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

Le rôle du juge italien dans l’expertise est réglé par les mêmes principes caractérisant le système français, qu’on peut synthétiser comme il suit :

·        Le juge n’est pas lié par les conclusions du technicien (art. 246 nouv. C. pr. civ. fr.) et doit conserver un esprit critique vis à vis du rapport déposé qui ne constitue qu’un avis (cf. aussi les art. 61, 62, 194, 196, 197 c.p.c. it., aux termes desquels l’expert n’est qu’un « assistant » du juge : on dit chez nous que le juge est peritus peritorum, voire l’ « expert des experts »).

·        Le juge n’est pas dessaisi par la décision qui ordonne une mesure d’instruction (art. 153 nouv. C. pr. civ. fr. ; cf. aussi l’art. 194 c.p.c. it.).

·        Le juge veille au bon déroulement de l’instance; il a le pouvoir, pour ce faire, d’impartir des délais, d’ordonner les mesures nécessaires (art. 3 et 241 nouv. C. pr. civ. fr.), d’accroître ou de restreindre la mission confiée au technicien (art. 236 nouv. C. pr. civ. fr.), d’assister aux opérations effectuées par celui-ci et lui demander des explications oralement à l’audience, sur les lieux ou par écrit; il peut ordonner la communication de tous documents aux parties et aux tiers sur la demande de l’expert (cf. aussi les art. 194 et 196 c.p.c. it.).

·        Le juge vérifie que le principe du contradictoire est respecté par le technicien. Si ce n’est pas le cas, il fait refaire l’acte litigieux dont la nullité est ainsi couverte par sa régularisation (art. 115 nouv. C. pr. civ. fr. ; cf. aussi l’art. 194 c.p.c. it. en relation aux art. 101 et 162 c.p.c. it.). Cette mission de contrôle devra donc porter sur la qualité de l’expertise, mais aussi sur la durée de la mission et sur le coût.

Il faudra encore ajouter à toutes ces règles que l’expertise, comme tout moyen d’instruction, doit respecter le principe dispositif. Cela signifie – surtout dans le système italien, où les pouvoirs d’office du juge dans l’administration de la preuve sont tout à fait exceptionnels – qu’elle ne pourra jamais être ordonnée pour rechercher des faits que la partie aurait pu et dû alléguer et prouver.

 

 

III.      INTERNATIONAL/TRANS-FRONTALIER

 

1. Est-ce que vous avez des tribunaux spéciaux pour trancher des litiges commerciaux internationaux ?

 

Non. Les litiges commerciaux dans les affaires présentant un ou plusieurs éléments d’extranéité sont tranchés par les juridictions (ordinaires) italiennes suivant les règles du droit international privé, ainsi que les principes dictés par les règlements européens et les conventions internationales. En particulier il faudra mentionner à cet égard les dispositions du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Règlement dit « Bruxelles I »).

Pour ce qui est en particulier des procédures d’insolvabilité il faudra rappeler que, selon la loi italienne, les tribunaux de la République sont compétents pour la déclaration de faillite des entrepreneurs, italiens aussi bien qu’étranger, à la condition que l’entreprise ait son siège principal en Italie (art. 9 de la loi n° 267 du 16 mars 1942, modifié en 2006), ou que l’entrepreneur ait exercé son activité d’entreprise en Italie, même s’il a son siège principal à l’étranger (art. 9, alinéa 3, de la loi n° 267 du 16 mars 1942, modifié en 2006) ; cette règle s’applique aussi aux entrepreneurs étrangers (Cass., 20 juillet 1977, n. 3237, Foro it., 1978, I, 2033). Une fois que la juridiction du juge italien ait été reconnue, le tribunal italien sera compétent en ce qui concerne tous les actes de la procédure.

Les experts de droit international soulignent la nécessité d’une harmonisation, surtout au niveau européen, des différentes législations. A cet égard il faudra mentionner le Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité. Le principal objectif de ce règlement est d’éviter que les parties (l’entreprise en faillite, c’est-à-dire le débiteur, et ses créanciers) ne soient incitées à déplacer leurs avoirs ou des procédures judiciaires d’un Etat membre de l’U.E. à un autre pour bénéficier d’un traitement plus favorable.

Les dispositions de ce règlement sont directement applicables dans tous les Etats membres à l’exception du Danemark, ce qui veut dire que les personnes peuvent s’en prévaloir directement devant les tribunaux nationaux. Il ne s’applique pas aux entreprises d’assurance et aux établissements de crédit et d’investissement.

Pour atteindre son objectif, le règlement prévoit des règles communes concernant la compétence des tribunaux, la reconnaissance des décisions et la loi applicable, ainsi qu’une coordination obligatoire des procédures qui seraient ouvertes dans plusieurs Etats membres.

Le règlement s’applique aux procédures d’insolvabilité, qui comprennent les éléments suivants:

·        Le caractère collectif des procédures d’insolvabilité ; en d’autre termes, le fait que les droits de tous les créanciers sont examinés en même temps et par conséquent que les poursuites individuelles sont suspendues.

·        L’insolvabilité du débiteur, c’est-à-dire la constatation du fait qu’il lui est impossible de faire face à ses obligations financières.

·        Le dessaisissement du débiteur : ses pouvoirs de gérer de disposer de ses biens sont limités et contrôlés par un syndic.

·        Les modes de désignation du syndic.

·        Les tribunaux compétents pour ouvrir la procédure d’insolvabilité sont ceux de l’Etat Membre sur le territoire duquel est situé « le centre des intérêts principaux du débiteur ». Pour une société commerciale, il s’agit en principe de son siège social.

·        Des procédures secondaires peuvent toutefois être ouvertes ultérieurement pour liquider des biens situés dans un autre Etat Membre. La loi de l’Etat Membre dans lequel des procédures d’insolvabilité sont ouvertes détermine tous les effets d’une telle procédure.

·        Les dispositions du règlement prévoient que les procédures ouvertes dans plusieurs Etats membres font l’objet d’une coordination entre elles, notamment par le biais d’une coopération active entre les différents syndics.

·        Enfin, toute décision prise par le tribunal d’un Etat Membre compétent pour la procédure principale est, en principe, reconnue immédiatement dans les autres Etats Membres sans autre examen.

 

 

2. Quelle est la proportion de litiges commerciaux dans lesquels au moins une des parties réside dans un autre pays ?

 

La proportion des litiges commerciaux dans lesquels au moins une des parties réside dans un autre pays est très, très faible. Je peux à cet égard donner un exemple tiré de mon expérience personnelle. Il y a quelque semaine le Président du Tribunal de Turin m’a assigné la première procédure européenne d’injonction de payer jamais déposée auprès dudit Tribunal. Pourtant, le Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer est en vigueur depuis 2008 et, entre-temps, j’ai décidé des centaines de procédures d’injonctions « internes ». Or, même en tenant compte des procédures d’injonctions instaurées aux termes du code italien à l’encontre de débiteurs étrangers (ce qui est tout à fait possible selon le droit italien), on peut estimer que la proportion de litiges commerciaux dans lesquels au moins une des parties réside dans un autre pays est inférieure à 1%.

 

 

3. Est-ce que dans les litiges commerciaux internationaux les parties soulèvent la compétence territoriale d’un autre tribunal ? Dans l’affirmative, dans quelle proportion la question de la compétence est soulevée ?

 

La devise de l’avocat italien, lorsqu’il se trouve du coté du défendeur, est celle de soulever toutes les exceptions possibles et imaginables, même les moins fondées. Cela signifie que, lorsqu’une possibilité – même faible – existe de trouver un lien, n’importe lequel, avec une compétence juridictionnelle étrangère, on peut être sûr que l’exception du défaut de compétence sera soulevée. On peut donc dire que la proportion à laquelle la question se réfère est très proche du 90% des affaires présentant un élément quelconque d’extranéité dans un procès civil (ou commercial).

 

 

4. Est-ce que vos tribunaux disposent d’interprètes professionnels ?

 

Si par « interprète professionnel » on entend une personne payée par l’Etat, dont la tache est celle d’assister professionnellement est de façon stable le juge et d’être à la disposition de la cour toutes les fois où une partie au procès ne parle pas italien, la réponse est : bien sûr que non. Le juge italien se trouve au plein milieu… du désert le plus désespérant pour ce qui concerne toute forme d’assistance ou d’un aide quelconque, qui puisse le soulager dans la tache de porter la croix d’un fardeau qui devient chaque jour plus lourd. L’interprète est un professionnel indépendant qui doit être nommé par le juge chaque fois que le juge l’estime nécessaire comme n’importe quel autre expert. Dans ce cas les frais seront mises provisoirement à la charge de toutes les parties et ensuite, par son jugement final, le juge va statuer laquelle des parties (normalement la partie succombente) va devoir payer en entier ces frais.

 

5. Est-ce que vos tribunaux admettent la comparution d’avocats étrangers en cas de litige international, et dans l’affirmative quelles règles spéciales, s’il y en a, s’appliquent ?

 

Il n’y a pas de règles spéciales dans ce domaine, du moins à ma connaissance. Il faut tenir compte du fait que, pour plaider en Italie, il faut bien-entendu être inscrit à un barreau italien. Les parties au procès italien vont comparaître devant le juge italien par le biais de leurs avocats (italiens), qui les représentent. Evidemment, dans le cas de parties étrangères, c’est à l’avocat étranger de choisir son homologue italien, en le mandatant de représenter le client devant le juge italien. La partie a le droit d’assister personnellement aux audiences et si elle est assistée aussi par un avocat étranger, le juge admettra normalement aussi cet avocat, s’il désire assister à l’audience devant le juge italien. Parfois l’avocat étranger se présente assisté par un interprète choisi (et payé) par celui-ci, s’il ne comprend pas l’italien.

 

 

IV.       DIVERS

 

1. a) Est-ce que vos tribunaux ont le pouvoir d’allouer des frais et des honoraires d’avocat afin de décourager les parties de se comporter de manière non raisonnable ? Dans l’affirmative, est-ce que ce pouvoir est utilisé en matière de litige commercial ? b) Est-ce que vos tribunaux recourent à ce pouvoir en général et dans l’affirmative, sur quelle base les frais et les honoraires d’avocat sont alloués ?

 

L’art. 116 du Code de Procédure Civile italien permet au juge de tenir compte, au moment de la décision, du comportement des parties, y compris des manœuvres dilatoires. Personnellement j’ai fait quelques fois application de cette disposition, qui pourtant, à mon avis, est très peu employée par les juges. Il faut ajouter aussi que l’article 96 du même code permet au juge de condamner aux dommages-intérêts la partie qui perd un procès après l’avoir initié (comme demandeur) ou après y avoir résisté (comme défendeur) de mauvaise foi, ou étant dans une situation de faute grave.

Le problème le plus important de cette disposition c’est qu’il est toujours difficile pour la partie gagnante au procès de prouver le montant du préjugé subi à cause de la mauvaise foi ou de la faute de la contrepartie. La loi qui vient d’être approuvée par le Parlement italien le 29 mai 2009 prévoit justement qu’à l’art. 96 du code l’alinéa suivant soit ajouté : « En tout cas, lorsqu’il tranche sur les frais du procès aux termes de l’article 91, le juge, même d’office, peut aussi condamner la partie succombente à payer une somme d’argent déterminée de façon équitable ». Cela veut donc dire que le juge n’aura plus besoin de la preuve du fait que la partie gagnante ait subi  un préjudice concret. Le système italien vient ainsi à se rapprocher du principe des punitive damages du common law. J’espère vraiment qu’on pourra compter sur un peu plus de courage de la part de nos collègues de première instance (et sur un peu moins d’ « esprit de correction » de la part des collègues « infaillibles » des cours d’appel…).

 

 

2. Est-ce que votre Cour Suprême connaît souvent de litiges commerciaux ? Est-ce que parmi les juges composant la Cour Suprême, il y a des juges spécialisés en droit commercial ?

 

            Les affaires commerciales reçoivent le même traitement que les affaires civiles ordinaires aussi pour ce qui est des pourvois, y compris le pourvoi en Cassation. Normalement ces affaires sont traitées par la première chambre civile de la Cour. Il faut ajouter que parmi les juges de la Cour Suprême il y a nombreux véritables spécialistes du droit commercial.

 

 

3. Quelle est la place occupée par la technologie dans les litiges commerciaux ? Par exemple, est-ce que vous avez des litiges « sans papier » ou sont-ils envisagés pour le futur? Est-ce que les parties peuvent comparaître par vidéo satellite ?

 

            Depuis plusieurs années on discute de la « dématérialisation » du procès civil. Dans ce cadre, pas mal d’initiatives ont été mises sur pied en Italie. Une des plus importante touche à la dématérialisation de la procédure d’injonction de payer. Dans de nombreuses juridictions il y a déjà la possibilité pour les avocats d’envoyer la requête par le biais d’un réseau télématique sécurisé. La requête doit être accompagnée par les documents scannerisés. Le juge pourra ainsi voir sur son écran toutes les pièces nécessaires pour pouvoir décider si la demande est oui ou non bien fondée. Le décret d’injonction sera donc émis par le biais du même réseau et envoyé à l’avocat du créancier.

 

 

Cas pratique

 

Jean, un citoyen de France mais résidant en Suisse est l’actionnaire unique et le président général de la société B. Corporation, enregistrée en Allemagne et disposant de bureaux en Italie et en Lettonie. De son bureau en Italie, Jean a commandé de l’outillage à la société X. Ltd., une société enregistrée en Espagne qui est le distributeur de la société E. LTD, le fabriquant suédois du produit.

 

Au moment de la commande, Jean a précisé que la date de livraison était essentielle afin de permettre à la société B. Corporation de pouvoir produire et livrer dans les délais à la société D .Inc., une société américaine, une large quantité de fils en cuivre produits par la société de Jean. La société X. Ltd a promis d’envoyer l’outillage au plus tard le 1er juin par un navire depuis un port en Suède. Le contrat prévoit que la loi espagnole s’applique à la transaction mais aucune disposition spécifique n’a été prévue en cas de litige.

 

Suite à une grève des syndicalistes en Suède, l’outillage commandé n’a été pu être envoyé par mer le 1er juin et le cargo suivant n’a pu quitter le port que le 1er août. Ce retard a eu pour conséquence que Jean n’a pas respecté le contrat conclu avec la société D. Inc.

 

Cette société a assigné la société B. Corporation en justice devant le « Southern District » de New York.

 

Questions :

 

1. La société B. entend mettre en intervention la société X. Ltd. Est-ce qu’une telle procédure est possible dans votre système judicaire ? Dans l’affirmative, est-ce que la société Y. Ltd peut mettre en intervention à son tour la société suédoise pour non respect de la date de livraison prévue dans la commande ?

 

En règle générale le défendeur dans un procès civil peut mettre en intervention une troisième partie, lorsqu’il estime que l’affaire est commune aussi à cette partie, ou bien lorsqu’il veut en être garanti (art. 106 du Code de proc. civ.). On fait en ce dernier cas une distinction entre « garantie propre » (c’est le cas, par ex., de l’auteur d’un préjudice qui veut être garanti par son assureur) et « garantie impropre » (c’est le cas, par ex., du défendeur qui prétend ne pas être l’auteur ou le responsable du préjudice et qui veut que quelqu’un d’autre soit sommé en jugement et condamné à sa place). Dans le cas d’espèce, si un litige entre la société D. Inc. et la société B. Corporation avait lieu en Italie, la société B. Corporation pourrait mettre en intervention à son tour la société suédoise pour non-respect de la date de livraison prévue dans la commande. Aux termes de l’article 6, Nr. 2, du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre (la Suède, dans le cas d’espèce) peut être attraite, dans un autre État membre (l’Italie) : (…) « 2) s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention ». Dans ce cas, en effet, l’étranger peut être sommé en jugement « devant le tribunal saisi de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé ».

 

 

2. Si la société D. était une société enregistrée dans votre Etat plutôt qu’aux Etats-Unis, est-ce que vos tribunaux exigeraient de chaque partie demanderesse de traduire la demande, respectivement l’assignation dans la langue du défendeur ?

 

Aux termes de l’art. 5 du Règlement (CE) n°  1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), et abrogeant le règlement (CE) n°  1348/2000 du Conseil,

« 1. Le requérant est avisé par l’entité d’origine à laquelle il remet l’acte aux fins de transmission que le destinataire peut refuser de l’accepter s’il n’est pas établi dans l’une des langues indiquées à l’article 8. 2. Le requérant prend en charge les éventuels frais de traduction préalables à la transmission de l’acte, sans préjudice d’une éventuelle décision ultérieure de la juridiction ou de l’autorité compétente sur la prise en charge de ces frais ».

 

Aux termes de l’art. 8 dudit Règlement, le destinataire peut refuser l’acte, sous le respect des conditions prévues par la norme qu’on va ci-dessous citer :

« Article 8

Refus de réception de l’acte

1. L’entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II, qu’il peut refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, au moment de la signification ou de la notification ou en retournant l’acte à l’entité requise dans un délai d’une semaine, si celui-ci n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans l’une des langues suivantes:

a) une langue comprise du destinataire ou

b) la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification.

2. Si l’entité requise est informée que le destinataire refuse de recevoir l’acte conformément au paragraphe 1, elle en informe immédiatement l’entité d’origine au moyen de l’attestation prévue à l’article 10 et lui retourne la demande ainsi que les actes dont la traduction est demandée.

3. Si le destinataire a refusé de recevoir l’acte en vertu du paragraphe 1, il est possible de remédier à la situation qui en résulte en signifiant ou en notifiant au destinataire, conformément aux dispositions du présent règlement, l’acte accompagné d’une traduction dans l’une des langues visées au paragraphe 1. Dans ce cas, la date de signification ou de notification de l’acte est celle à laquelle l’acte accompagné de la traduction a été signifié ou notifié conformément à la législation de l’État membre requis. Toutefois, lorsque, conformément à la législation d’un État membre, un acte doit être signifié ou notifié dans un délai déterminé, la date à prendre en considération à l’égard du requérant est celle de la signification ou de la notification de l’acte initial, fixée conformément à l’article 9, paragraphe 2.

4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent également aux modes de transmission et de signification ou de notification d’actes judiciaires prévus à la section 2.

5. Aux fins du paragraphe 1, les agents diplomatiques ou consulaires, lorsque la signification ou la notification est effectuée conformément à l’article 13, ou l’autorité ou la personne, lorsque la signification ou la notification est effectuée conformément à l’article 14, informent le destinataire qu’il peut refuser de recevoir l’acte et que tout acte refusé doit être envoyé à ces agents ou à cette autorité ou personne, selon le cas ».

 

3. Quelles sont les règles spéciales qui s’appliquent éventuellement à la procédure en cas de litige mettant en cause des parties de pays différents.

 

Aux termes de l’art. 3 de la loi Nr. 218 du 1995 en matière de droit international privé, la juridiction italienne subsiste lorsque le défendeur est domicilié ou résident en Italie ou s’il a en Italie un représentant qui soit autorisé à ester en jugement, ainsi que dans tout autre cas prévu par la loi. La juridiction subsiste aussi aux termes de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968. Il faut tout de suite ajouter que, puisque cette Convention a été remplacée par des règlements de l’U.E., c’est à ces règlements qu’il faudra s’adresser pour résoudre le problème de la détermination de la compétence juridictionnelle des juges italiens. Il s’agit notamment des règlements suivants :

·        Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

·        Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 ;

·        Règlement (CE) n o  4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires ;

·        Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité ;

·        Règlement (CE) N°  861/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges ;

·        Règlement (CE) n o  1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

Il faut ajouter que ces règlements relèvent pour le droit italien non seulement dans les rapports avec les systèmes juridiques des autres états membres de l’U.E., mais aussi – grâce au renvoi contenu dans l’art. 3 de la loi du droit international privé italien – pour ce qui est des rapports avec n’importe quel autre système juridique étranger, bien entendu dans les secteurs de compétence relatifs à chacun des règlements qu’on vient de mentionner.

On pourra encore mentionner l’art. 4 de ladite loi du 1995, stipulant que le défaut de juridiction du juge italien ne peut plus être déclaré si le prévenu a accepté cette juridiction en se constituant devant le juge italien sans soulever aucune exception à cet égard. Normalement le juge italien ne peut par relever ex officio le défaut de sa compétence juridictionnelle internationale.

 

4. Est-ce que vos tribunaux accordent des délais supplémentaires pour instruire les plaidoiries eu égard au fait que les parties résident dans différents pays ?

 

Malheureusement en Italie les juges n’ont pas le pouvoir d’accorder des délais qui ne soient pas prévus par la loi. L’art. 163-bis du Code de procédure civile italien stipule qu’entre le jour de la notification de l’acte de sommation en jugement et celui de l’audience de comparution par-devant le juge, un délai de 90 jours doit être accordé (par le demandeur, qui est celui qui arrête la date de l’audience devant le juge). En cas de notification à l’étranger, ce délai est de 150 jours (cf. aussi les art. 415, 418, 419, 434 et 435 ; du même Code pour ce qui est des procédures dans le domaine du droit du travail ; l’art. 644 pour la notification du décret d’injonction et l’art. 641, deuxième alinéa, pour ce qui est du délai pour l’instauration de la procédure ordinaire d’opposition au décret d’injonction ; les art. 669-sexies - Art. 669-nonies pour les procédures d’urgence).

 

5. Est-ce qu’il existe des règles et procédures spéciales dans votre système judiciaire afin de reconnaître des jugements étrangers ? Quelles règles s’appliquent à la reconnaissance de sentences arbitrales étrangères ?

 

Les règles et les procédures spéciales afin de reconnaître des jugements étrangers sont contenues aux art. de 64 à 68 de la loi Nr. 218 du 1995 en matière de droit international privé. D’autres règles sont contenues dans les Règlements communautaires qu’on vient de mentionner ci-dessus (cf. la réponse à la question Nr. 3).

Une distinction importante s’impose entre « reconnaissance » et « exécution ». Tandis que la reconnaissance est normalement produite de façon tout à fait automatique par la sentence étrangère, sans qu’il soit nécessaire d’instaurer un recours devant un juge, la possibilité de se servir en Italie de l’arrêt étranger dans le cadre d’une procédure d’exécution est normalement soumise à une procédure d’exequatur par-devant le juge (Cour d’appel) italien. Il faut encore ajouter que la tendance de la législation communautaire est justement celle de réduire les cas dans lesquels cette procédure est nécessaire. C’est justement le cas du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000, pour ce qui est des décisions judiciaires statuant en matière de droit de visite du parent auquel la garde de l’enfant n’a pas été accordée, ainsi que des décisions ordonnant le retour d’un mineur, en cas d’enlèvement international d’enfants. C’est encore le cas des décisions qui retomberont sous la compétence du nouveau Règlement (CE) n o  4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, lorsqu’il sera entré en vigueur.

 

Pour ce qui est de l’arbitrage international, l’art. 4 de la loi Nr. 218 du 1995 sur le droit international privé prévoit la possibilité que la juridiction italienne soit dérogée par l’effet d’un accord non seulement en faveur d’un tribunal étranger, mais aussi d’un arbitre étranger, lorsqu’il s’agit de droits qui ne soient pas soustraits à la libre disposition des parties. Aux termes de l’art. 839 du Code de Procédure Civile la partie qui veut faire exécuter en Italie une sentence arbitrale étrangère doit faire recours au Président de la Cour d’appel du ressort dans lequel l’autre partie a sa résidence, ou bien au Président de la Cour d’appel de Rome si le défendeur n’est pas résident en Italie. Le Président de la cour d’appel doit vérifier la régularité formelle de la sentence arbitrale ; dans ce cas il la déclare exécutoire en Italie. Cette déclaration ne peut pas être émise si l’affaire ne pourrait pas former l’objet d’une décision arbitrale selon la loi italienne ou si elle est contraire à l’ordre public italien. La décision du Président de la Cour d’appel peut former l’objet d’une procédure d’opposition qui se déroule aux termes de l’art. 840 du Code de procédure civile, par-devant la Cour d’appel. 

 

 

Turin, le 22 juin 2009.

 

 

 

Giacomo Oberto

Secrétaire Général Adjoint

de l’Union Internationale des Magistrats

 

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